Revue INVERSES 8, juin 2008 : Pierre Lacroix, Bleus

Lacroix Pierre, Bleus, Cassaniouze, ErosOnyx Editions, 94 P.

Autant le dire franchement, nous n’avions jusque-là rien lu de Pierre Lacroix. Publié une première fois par les Editions Geneviève Pastre, sous le pseudonyme de François Nozières, Bleus est un récit d’une envoûtante singularité. En résumer le contenu reviendrait à vouloir faire entrer l’univers tout entier dans un dé à coudre. Il n’est, en effet, pas une page qui ne recèle une image prégnante ou la reviviscence d’une émotion, d’une sensation. La couleur bleue, omniprésente, évoque d’abord l’immersion, celle qu’a vécue l’auteur quand, enfant, il manqua se noyer. « Un ange blanc, un messager de par delà les fausses frontières entre les sexes » vint lui porter secours et lui offrit comme une seconde naissance. Le bleu de l’eau rejoint alors le bleu du ciel. Elévation dans l’extase d’étreintes masculines magnifiquement dépeintes. L’enfant est devenu adulte et jouit de son sexe, du frottement des épidermes qui exalte ou exaspère les coeurs. Bleus sont les plaisirs des amants, bleus aussi les replis de l’âme humaine.

D’une écriture solaire, célébration permanente de la beauté du monde, et de sa précarité, Pierre Lacroix nous donne à percevoir l’amour dans ses moindres vibrations, ses plus intimes déchirures, ses secrets remous. La Grèce, terre sacrée des amours viriles, occupe le centre géographique du récit, il s’y déroule une transmutation alchimique à laquelle se livrent « ceux qui, du plomb des anathèmes, ont fait l’or chaud, inaltérable, de leur désir ».

Bleus appartient à la famille des oeuvres qu’on aimerait garder avec soi en cas de naufrage sur une île déserte, tant il est vrai que l’imagination du lecteur y trouvera toujours mille et une correspondance.

Thierry Sarazin

Revue INVERSES 8, juin 2008

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