Dans HETEROCLITE, mensuel gay mais pas que… – Lyon/St-Etienne/ Grenoble. Septembre 2011 Grenoble/


Les cimes de Monsieur Lange

Rémi Lange, cinéaste, présentera le 30 septembre à la Bibliothèque municipale de Lyon son premier long-métrage, Omelette, à l’invitation d’Écrans Mixtes.
Omelette est le récit d’un coming-out. Pour un jeune homme d’aujourd’hui, se dire homosexuel est-il plus facile que cela ne le fut pour vous en 1993 ?

Oui, les lois (en premier lieu le PACS) ont fait évoluer les mentalités, mais cela reste néanmoins difficile dans certains endroits, en banlieue, dans les petits villages… Le problème vient de ce que l’Éducation nationale et les parents ne sont pas assez engagés dans la lutte contre l’homophobie : on élève toujours les enfants selon les schémas hétérosexuels classiques.

– Le film est tourné en Super-8, avec les conséquences que cela entraîne pour la qualité de l’image. Quelles sont les raisons de ce choix artistique ?

J’aurais pu tourner en vidéo H8, il existait déjà des caméras assez légères, mais le Super-8 me renvoyait au premier cinéma que j’ai connu : les films de famille tournés par mon père dans les années 70. Je voulais transformer ce cinéma-là en fiction, en injectant du malheur dans le film de famille, en gardant la forme mais pas le fond. Cela correspondait également à un besoin de vivre aussi vite et aussi pleinement que possible, puisque la bobine du Super-8 ne dure que trois minutes et demi : il faut donc être concis, précis et aller à l’essentiel.

– Comment expliquez-vous que tant d’auteurs homosexuels (vous-même, Hervé Guibert, Guillaume Dustan, Violette Leduc…) aient choisi de s’exprimer par le biais de l’autofiction ?

Je ne pense pas que nous soyons si nombreux que cela, finalement… En outre, si Hervé Guibert est vraiment dans l’autofiction, Omelette est davantage du registre du journal filmé. Mais pour répondre à votre question, c’est peut-être lié à l’épidémie de sida des années 80-90. Face au danger de mort qui nous guettait, nous avons essayé de profiter au maximum de la vie et de la débarrasser pour cela de tous ses artifices. C’est pourquoi on en vient à vouloir dire « je », à laisser une trace avant de peut-être disparaître. En tournant Omelette, je me disais souvent : « avant de mourir, je n’aurai rien caché ». J’étais également beaucoup influencé par l’art corporel, qui montre l’intérieur du corps. Mon message, c’était : « me voici tel que je suis, prenez-moi avec mes défauts et mes qualités ».

– Ce moyen d’expression que sont l’autofiction ou le journal filmé vous intéresse-t-il encore ?

Oui, bien sûr. Je reviens justement du festival du film documentaire de Lussas où j’ai été très marqué par un magnifique film autobiographique, sur le mode du journal filmé, qui sera bientôt diffusé sur Arte : Le Ciel en Bataille, de Rachid B. L’histoire d’un mec au chevet de son père en train de mourir, qui évoque son homosexualité, sa conversion à l’islam…

– Mais concernant votre propre travail, avez-vous envie de revenir au journal filmé ?

Après le diptyque que formaient Omelette et Les Yeux brouillés, je me suis davantage tourné vers la fiction. Mais récemment, j’ai débuté un projet, dont j’ignore encore le nom, qui consiste à filmer dix-sept secondes par jour. Au bout d’un an, cela devrait faire un film d’une heure et demi. Je ne sais pas trop ce que ça va donner, si cela sera montrable, mais après tout, ça n’a pas d’importance : on peut aussi faire des journaux filmés pour les brûler ensuite !

– Quels sont vos autres projets cinématographiques ?

J’ai aujourd’hui un travail à temps plein, puisque je suis éditeur de DVD, donc j’ai moins de temps à consacrer au cinéma. Tous mes derniers films, sortis uniquement en DVD, ont été réalisés avec des bouts de ficelle ; c’était moi qui faisais tout. Aujourd’hui, j’aimerais trouver des financements, un producteur qui me suive, mais ce n’est pas facile. Ai-je encore l’énergie de me lancer dans cette recherche, de repartir à zéro ? Je ne sais pas. Le cinéma n’est plus forcément indispensable à ma vie. Je pense avoir dit ce que j’avais à dire et quand on n’a plus grand-chose à dire, il vaut mieux se taire ! Mais cette envie me reviendra peut-être un jour…

Projection d’Omelette le vendredi 30 septembre à la Bibliothèque municipale de Lyon, 30 boulevard Vivier Merle-Lyon 3 / 04.26.64.44.64 / www.festival-em.org Rencontre avec le cinéaste et signature de son livre Journal d’Omelette.

À voir et à lire : Journal d’Omelette (avec le DVD du film), de Rémi Lange, ÉrosOnyx Éditions (24, 50€)

Entretien avec l’auteur des Homo Pierrot

HANDIGAY : Monsieur Lacroix, nous ne nous connaissons pas et ce dialogue mené via courriel est notre premier échange. Pourtant, après la lecture de vos quatre livres, j’ai l’impression que votre vie a été très bien résumée par votre éditeur (ou par vous ?) dans ce communiqué de presse :« Pierre Lacroix vit en Auvergne, sa province natale qu’il a quittée puis retrouvée. Ses goûts amoureux sont au coeur de son écriture. Fort du combat mené par d’autres depuis quarante ans et de l’avancée, même fragile, du droit d’aimer pour tous selon le goût de chacun et de chacune, il pense enfin venu le temps d’une écriture sans honte pour ces amours. Il est gay, il écrit, souhaitant glisser de la marge à la page sans perdre la couleur et le sel de la marge. » Qu’auriez-vous à ajouter à ce bref portrait ?

Pierre Lacroix : Surtout, Gérard, ne m’appelez pas « monsieur » : vous avez déjà écrit des choses si sensibles sur Homo Pierrot qu’il y a déjà entre nous une vraie connivence. Il en va du rapport lecteur-auteur comme de l’amour : on passe à un moment à un tel mélange de fusion qu’on peut appeler l’autre par son prénom, son petit nom, si on l’aime. Étrangers et frères. Ne me dérange pas non plus qu’on oscille après entre le « tu » et le « vous », cette exquise subtilité de la langue française qui épouse si bien les saisons des sensations et des sentiments, qui fait écho à cette alternance de symbiose et de différence qui marque tous les vrais rapports profonds entre les êtres. J’aime la façon dont vous écrivez sur moi, Gérard. N’ayez pas de crainte à m’appeler Pierre, à me vouvoyer quand ça vient comme ça, à me tutoyer quand ça vient aussi comme ça. Le beau, c’est ce qui monte sans avoir à se censurer. Les homos, filles ou gars, ont conquis cette marge douce, en marge de la société, où l’on peut épouser la peau de l’instant comme on le sent. On se fout de ce qui se fait ou ne se fait pas. Fais ce que tu sens. Faites ce que vous sentez. Moi, un homme qui écrit comme Gérard Coudougnan sur mes pages, j’aime qu’il m’appelle Pierre et je l’appelle Gérard.

Voilà qui rejoint aussi la question posée. Je me retrouve pleinement dans le portrait d’ErosOnyx et je pourrai développer jusqu’à plus soif ! Je me sens homo aux deux sens du terme, grec et latin. J’aime les êtres de même sexe, je suis donc différent de la norme hétéro, et je suis en même temps un homme qui savoure et affronte la vie, l’amour et la mort comme les autres. Il en faudra encore des pages et des pages, des films et des films, des chansons et des chansons, des documentaires et des documentaires, des entretiens et des entretiens comme celui-là, pour le faire comprendre à tous les châtrés du sexe et du coeur, mais pouvoir se mettre à poil et tout habillé de mots à la fois dans des livres comme Bleus ou Homo Pierrot, c’est la preuve qu’on avance dans le droit d’aimer qui l’on désire et d’en être fier au point d’en faire un livre qui passera peut-être de bouche en bouche, de main en main, de lit en lit, avant ou après l’amour. C’est pour ça que j’écris et que je tends craintivement des livres à des inconnu(e)s : pour que des hommes et des femmes disent peut-être un jour à quelqu’un qu’ils et elles aiment : « Tiens, lis ça, je m’y suis retrouvé(e), dis-moi si ça te fait le même effet. »

Oui, Gérard, existons au grand jour mais sauvons notre marge : ce désir décuplé, encore aujourd’hui, par l’interdit, et qui en accroît la beauté. Naître homo, vivre homo, mourir homo, c’est beau, non ? Cette douleur et ce cadeau. Ne laissons pas les bourgeois nous voler ça. Nous sommes pareils et pas pareils : la marge, c’est encore la page, mais on y écrit des choses que la pleine page de la normalité ne peut pas écrire de la même façon ! Se batte qui veut pour les mêmes droits que les hétéros ! Moi j’aime qu’on nous laisse vivre avec nos détresses et nos gloires d’homos, ne pas avoir d’enfant par exemple, ne vivre que pour le désir, l’amour tendre ou la passion, de sa puberté jusqu’à son dernier souffle, ça me va !

Attention ! Qu’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : je comprends que certain(e)s aient besoin de se normaliser, de « se marier » comme des hétéros, d’avoir des enfants ! Mais moi, c’est pas mon truc, je veux garder mes délires d’adolescent, un homme à rencontrer pour vivre un amour fou, qu’il soit mon gigolo et mon âme-frère en même temps, et que je passe ma vie à le chercher, le trouver, faire bien autre chose avec lui que des gosses, le perdre, l’attendre, le retrouver, le chercher jusqu’à ce que je n’en puisse plus…. Garder toute ma vie mon corps et mon cœur de midinet homo ! Mais pardon, Gérard, ce n’est plus une réponse que je fais là, c’est un manifeste. Je suis tellement marqué par le fait d’avoir eu dix-sept ans quand des hommes et des femmes partaient au Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire ! Ils étaient eux-mêmes enfants de Rimbaud : L’amour est à réinventer, et les homos et les lesbiennes auront toujours à réinventer l’amour, à baiser la gueule aux fous de Dieu et aux Tartuffes retors, à se méfier des récupérations qui peuvent dégénérer en dépossessions, à ne jamais oublier de se battre pour vivre leur vie, exister à leur manière, la ramener toujours, à côte de la page des bien-pensants, leur belle marge politique et romantique !

H. : Pierre, puisque nous pouvons désormais utiliser nos prénoms, vous considérez-vous comme un écrivain, un romancier ou un poète ?

PL : J’écris. L’écriture ne m’a pas lâché depuis l’âge de quinze ans. Et puis, un jour, ça m’a paru montrable, à presque trente ans. Plutôt lent, le Pierrot ! Et personne n’en a voulu. J’ai continué à garder la foi du papier et de l’encre, jusqu’à ce que la publication, confidentielle, vienne enfin… à 40 ans ! Chez Geneviève Pastre. Je ne crache pas sur le communautarisme ; elle a donné vie à la première version de Bleus, réédité chez ErosOnyx (EO), et je lui dis merci. Mais vient un moment où la communauté gay vous étouffe, où l’on piaffe, où la marge veut éclabousser la page, il me fallait autre chose, un éditeur sans cloison fixe, fou surtout des livres où l’on soit libres d’être ivres de ses mots ! Je continue à avoir cette monstrueuse vanité de penser que j’ai quelque chose à gribouiller que personne n’a écrit de cette façon. Mes études de Lettres me rendent à la fois humble et confiant. Tout est dit, mais il reste toujours une manière nouvelle de le dire, de l’accorder à son temps, à son battement de cœur à soi, le colorer à l’encre de son sang. Qu’on me donne le nom qu’on pense juste, si on aime ce que je fais avec les mots. Moi, je n’en revendiquerai aucun : seuls les autres, les lecteurs en ont le droit. C’est vrai, je ne vois pas de frontière, chez les auteurs que j’aime et dont je parle dans Seul à Selves (NDLR : Homo Pierrot Tome 3), entre le roman et la poésie : ce qui me plaît, c’est d’écrire sur la vie avec des mots qui me paraissent dignes d’être portés à la lumière pour que d’autres y fassent leur nid. Là encore, je me sens terriblement double, je doute de moi et je crois en moi en même temps, je doute de tout et je ne doute de rien. Je fais cette chose si solitaire et si orgueilleuse à la fois : écrire et ne pas garder pour soi. Et puis est arrivée en 2007 l’équipée d’ErosOnyx, une poignée de fous d’écriture et d’Éros qui veulent essayer d’être totalement libres, hors des modes et jouer dans la cour des grands, avec diffuseur et distributeur : lancer des bouteilles à la mer quand on y a glissé des mots qui nous paraissent valoir le coup de l’aventure, tanguer mais pas couler, qu’elle flotte où elle pourra, la bouteille, et qui vivra verra !

Et puis, après des siècles et des siècles de dictature hétéro en littérature, à l’école et à la fac, il y a un tel océan où oser s’embarquer, en sachant d’où l’on vient, en essayant, en littérature française en tout cas, de pompeusement se rattacher au Prométhée Rimbaud, de se nourrir de Gide, de Proust, de Vivien, de Genet, de Cocteau, d’ Augiéras, de Navarre, de Guibert, mes grands phares grandioses en homopaysages d’écriture, de voir en quoi, nourris d’eux, je peux fouler un sol qu’il n’ont pas pu fouler… se sentir un Pierrot homo, incapable de séparer le cœur du sexe et penser qu’il est venu le temps où un funambule de la plume peut se risquer à monter sur son fil, bander pour la fidélité d’une passion belle et triste, triste et belle comme la vie !

H. : A côté de ces « piliers » déjà classiques, voyez-vous dans les productions les plus récentes de chacun des deux domaines, des auteurs ou des oeuvres particulièrement importantes pour notre combat ?

PL : J’avoue aimer les « classiques » et ne pas beaucoup lire de livres récents. Mais j’ai été soufflé par la gourmandise rabelaisienne de Jacques Astruc dans Sperme que les Éditions EO m’ont fait découvrir, ce texte à déclamer, ce panache de boulimique solitaire de tous les spermes de mecs du monde entier, homos et hétéros, qui, sentant la maturité venir, ne vire pas à l’aigre mais passe de la solitude gourmande du baiseur insatiable au bilan grave et chaud, « J’ai joui », et à l’amour doucement partagé avec un autre homme, pour l’amour de vieillir dans se renier. J’aime les œuvres où les homos ont un avenir après la fulgurante parenthèse de la baise.

Côté cinéma, ça ne manque pas, les beaux films récents qui mettent l’Éros homo ou lesbien au centre de la vie ! Là, je suis un boulimique, moi aussi. Par quoi commencer ?

J’aime les téléfilms anglais comme Tipping the velvet de Geoffrey Sax, d’après un roman de Sarah Waters, que j’ai découvert en DVD, si chaudement filmé, si pittoresque dans une Londres victorienne sacrément dessalée, avec des lesbiennes qui n’ont froid ni aux yeux, ni au sexe, ni aux idéaux politiques de gauche.

En DVD encore, Ce vieux rêve qui bouge d’ Alain Guiraudie : une usine qui ferme, des ouvriers qui prennent le chômage en pleine figure, mais qu’on nous montre vivants, et vivants par le sexe encore. Un jeune démonteur de machines se laisse lever par un ouvrier bien mûr, de ceux qui ont la délicatesse des chairs lourdes pour les jeunes fringants et qui font si bien l’amour, avec tout l’élan tendre de leur peur de vieillir. C’est un film audacieux et original, fait par un Aveyronnais de naissance, un film qui parle de la vie après la mort d’une usine, d’une sexualité qui n’a pas d’âge, d’une classe ouvrière qui n’est pas morte, mais en métamorphose simplement, et qui bande encore justement !

Beau à chialer, comme la dernière scène des chemises épinglées l’une dans l’autre de Brokeback Mountain d’Ang Lee : le dernier plan d’Ander, sorti cette année, un film d’un tout jeune metteur en scène basque, Roberto Caston, où un fermier taiseux, grâce à un ange visiteur, un ouvrier agricole péruvien, parvient à faire son « coming out » au milieu de la rudesse des mâles depuis la nuit des temps et avec la complicité d’une prostituée au grand cœur. C’est cru et beau comme un miracle du désir, dans la lignée du film pionnier, pour moi, de l’accouchement par deux hommes de leur désir homosexuel, dont je parle longuement dans Sous les toits de Paris : Nous étions un seul homme de Philippe Vallois, sorti en 1979. J’en profite pour dire à celles et ceux qui liront ces lignes que Philippe Vallois vient de sortir en DVD ses deux films vidéo, Nijinski et Huguette Spengler. C’est de la dentelle de vitrail autour de ces deux personnages, l’un de la danse et l’autre de la décoration décadente. Vallois cisèle deux kaléidoscopes en hommage à deux figures dont le corps, la vie et la création furent vraiment des œuvres d’art.

Enfin, ne boudons pas les valeurs reconnues : j’ai aimé que Chéreau, l’hiver dernier, dans Persécution, en pleine jungle froide du Paris d’aujourd’hui, offre à Jean-Hugues Anglade un rôle adolescent semblable au fond à celui qu’il incarnait dans L’homme blessé en 1983. Traquer un homme qu’on désire, intouchable, jusqu’à en accepter les coups, jusqu’à s’infiltrer dans son lit, s’y déshabiller et lui offrir ses fesses, parce qu’il n’y a pas d’amour fou sans acte sacrificiel, pas d’initiation aux mystères et aux tabous sans persécution. Anglade arrive à fêler le monolithe de froideur du personnage incarné par Romain Duris, qui acceptait sa vie vide, à ne même pas se rendre compte de la désolation d’impuissance qu’il offre à sa frêle et douce compagne incarnée par Charlotte Gainsbourg. La chanson Mysteries of love d’Antony and the Johnsons du générique final coule sur le film comme une si douce larme finale.

Mais pardon, Gérard, j’arrête. Les Pierrots, ça n’en finirait pas de pleurer devant les belles choses. Pas larmoyer, pleurer des larmes compatibles avec la fureur de vivre, d’écrire, de s’émouvoir, l’adolescence qui ne veut pas mourir. Je ne vous remercierai jamais assez d’avoir fait la différence dans votre article sur Seul à Selves entre larmoyant et mélancolique. On fait toujours ce que l’on peut avec ses plaies : ça ne veut pas dire qu’on les cultive. On vit avec, le plus longtemps possible, parce que ça vaut la peine, même à douleur, d’aimer et de vivre.

H. : Oui, cela vaut la peine mais encore faut-il pouvoir choisir le lieu de cette aventure qu’est la vie ! Votre choix d’un éditeur implanté dans le Cantal est-il une des conséquences des mauvaises expériences vécues à Paris ? Pensez-vous qu’une action culturelle est possible depuis d’autres lieux de la capitale de ce pays hyper-centralisé qu’est la France ?

PL : Aïe aïe aïe ! La question qui peut blesser. Comment l’aborder ? Ne soyons pas simpliste.

Avant tout, comme je l’ai dit plus haut, faisant partie dès le départ de l’aventure ErosOnyx, j’y suis arrivé avec l’intention de faire partie de l’association et d’y faire vivre mes livres. C’est revigorant, cette sensation d’être partie prenante, de prendre à la fois du plaisir et des risques. Le réseau qui se crée et grandit depuis 2007 autour d’ EO ne s’est jamais coupé de Paris. C’est encore les librairies « Les Mots à la bouche » et « Violette and Co » qui vendent le plus en France les livres d’EO. Ne crachons pas dans la soupe et n’opposons pas trop facilement Province et Paris ! Mais il fallait simplement trouver un autre air, dans un bel endroit, pour respirer autrement, dans des conditions où l’argent ne serait pas aussi crucial qu’à Paris, où l’on pourrait être petit et viable. Pouvoir stocker des livres, par exemple, ça ne coûte presque rien dans une grange du Cantal et ça coûterait les yeux de la tête à Paris, même en banlieue. Et puis un imprimeur qui vous permet trois jeux d’épreuves pour fignoler les finitions, même si la perfection n’existe pas, c’est un luxe incroyable.

Ensuite, il faut parler des horizons éditoriaux, et là, oui, il était important de prendre des distances avec la mode et ses critères terribles à Paris : notre époque semble vouloir étrangement séparer homos et lesbiennes. EO pense le contraire : la publication de Lucie Delarue-Mardrus, grâce à la revue Inverses et des oeuvres de Renée Vivien est un choix militant : les gays et les lesbiennes doivent lutter, créer et vivre en restant solidaires. J’aime qu’EO pense que nous avons beaucoup à faire ensemble et plus de convergences que de divergences.

Enfin, et toujours sur la questions des horizons éditoriaux : regardons la vitrine gay de magazines comme Têtu ou Pref, le premier plus clean, le second plus trash. Quelle place y est faite aux gays en dehors de la parenthèse d’âge où il sont soi-disant désirables par le maximum de consommateurs ? Et puis le glamour rasé ou épilé, avec juste les petites touffes qui font mâle, est-ce vraiment ce qui fait fantasmer la majorité des gays quand ils sont dans les bras d’un homme ? Où est-ce un moyen de nous rendre moins choquants, plus civilisés, plus présentables ? Il en faudrait au moins pour tous les goûts. Chez EO, même si ce n’est pas in, j’ai pu écrire sur le désir sexuel d’un adolescent de quinze ans pour son professeur de trente, du mal du pays qui peut entraîner d’atroces ruptures car Paris ne peut pas combler tous les manques, de la beauté de l’amour après quarante ans, – et les exquis Silver daddies, ne les oublions pas ! – j’ai pu évoquer les gouffres aussi, parler de la dépression où l’on patauge et d’où l’on sort, sans victoire définitive, mais avec toujours la féroce envie de vivre, d’aimer et d’être aimé. Bref, pour être gay, on n’en est pas moins victime du blues parfois et victime combative…

H. : Les lecteurs de Seul à Selves savent à peu près à quel âge ils vont retrouver Pierre, superbe victime combative. Pouvez-vous nous dire à quelle partie de sa vie s’arrêtera ce prochain et dernier volume ?

PL : Pour une fois, je vais être bref. Le dernier volume de Homo Pierrot s’appellera Rose buvard : il commencera avec le retour d’Erwan dans la vie de Pierrot et les accompagnera jusqu’au bout de leur vie. C’était le but initial de cette série : du ventre de la mère au ventre de la mort. Douce morphine de l’amour sur le rose buvard des chairs accordées. Et s’il arrivait à deux hommes ce qu’il arrive dans la mythologie à Philémon et Baucis ? Pour avoir laissé entrer le tendre et barbare Éros dans leur corps à cœur d’homos. Un conte pour enfants velus, Gérard.

H. : Oui, Pierre : pour ceux et celles qui ne veulent sous aucun prétexte raser les murs à cause de leurs goûts et qui vous remercient chaleureusement pour toutes les pistes de réflexion offertes. Nos lecteurs auront sûrement à cœur d’aller revoir ou découvrir certains des titres évoqués dans notre dialogue, ou mieux dans vos livres !

Commentaire : 22/01/2011 par Angelus (Notation : Très bien)

Beau, captivant et stimulant ! Auteur moi-même, après m’être battu avec tant d’éditeurs (parisiens), j’ai la tentation après 17 titres de tout laisser tomber… d’explorer d’autres voies… de me régénérer plus au Sud… de dépasser une homosensualité peut-être rabâchée. Le long texte de Pierrot a sur moi fait l’effet d’un baume et aussi d’un électrochoc. MERCI à lui ! Ceci dit, je n’oublie pas la question essentielle de Rainer-Maria qui ne doit pas cesser de fouailler et de hanter l’âme de tout écrivain – qu’il soit hétéro ou gay : « Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l’heure la plus silencieuse de votre nuit : “Suis-je vraiment contraint d’écrire ? ” Creusez en vous-même vers la plus profonde réponse. » Creusons, creusons… et que l’amitié ou l’amour virils nous tiennent unis, et dans la Joie !

19/01/2011 par Fredd80 (Notation : Génial)

Bigrement intéressant, vraiment ! « Des pistes de réflexion » ? Assurément ! Tout un tas de petites recherches à effectuer pour apprendre ou revoir des notions évoquées par Pierre… Revoir des films également… Quel entretien d’une densité passionnante… Je regrette vivement, pour ma part, ne pas pouvoir accéder plus aisément à la lecture de tout ouvrage… Pour des raisons physiologiques perso qui n’ont pas grande importance en regard de ce qu’il nous est offert de lire. Un auteur manifestant d’une érudition assurément « digeste ». On est vraiment animé de l’envie de « s’attaquer » à la lecture de cet ouvrage (et de tant d’autres auxquels il est fait allusion au passage, donc…). C’est toujours une expérience enrichissante que de profiter de l’enthousiasme de quiconque se tient à la disposition des autres pour offrir… On se sent chanceux, l’espace d’un instant. Pas par sociale convenance « parce qu’il le faudrait » au prétexte qu’un auteur a bien voulu nous consacrer de son temps (par l’intermédiaire de M. Gérard), mais parce qu’on le ressent. Comme une véritable envie née de la considération de l’auteur pour son lecteur. Pour résumer, je retiens ce propos de Pierre : -« Je continue à avoir cette monstrueuse vanité de penser que j’ai quelque chose à gribouiller que personne n’a écrit de cette façon. (…) Tout est dit, mais il reste toujours une manière nouvelle de le dire, de l’accorder à son temps, à son battement de cœur à soi, le colorer à l’encre de son sang ». Il me semble en effet que tout est là. Cela doit être, vraisemblablement, la gageure à laquelle est confronté l’auteur. Pour autant, je ne pense pas qu’il y ait lieu de considérer-là une vanité. Même si c’est le jeu de l’auteur que de l’envisager… OK. Je suis confiant sur le résultat. Par avance. Un blanc-seing, en quelque sorte. Pour ce qu’il vaut, bien sûr ! C’est chouette de pouvoir lire de lumineux propos comme ceux-ci. Merci à Pierre et Gérard. Fredd.

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Entretien avec un éditeur

Les Toiles roses : Yvan Quintin, bonjour et merci d’avoir accepté de nous accorder un peu de temps qui doit être compté quand on dirige une maison d’édition, même si votre attaché de presse Clément Marie l’appelle joliment une « maisonnette d’éditions ». En complément de la recension de votre dernière publication, Mythologie gayment racontée, figure une courte biographie. Souhaitez-vous y ajouter des compléments ?

Y. Q. : Pas spécialement. Je tiens d’abord à vous remercier de vous intéresser à ErosOnyx et à son « patron » comme vous le dites, bien que notre aventure éditoriale soit collective – même réduite en nombre de personnes, et qu’aucune décision ne soit jamais prise par une seule d’entre elles, sauf urgence. Mais le cas ne s’est pas encore présenté.

T.R. – De votre expérience d’enseignant, avez-vous un ressenti de frustration face à la machinerie hétéronormative qui écrase, efface, transforme la réalité des amours grecques ?

Y.Q. :Oui et non. Oui, parce qu’on ne peut jamais devant des élèves aborder à brûle pourpoint une ou des questions d’ordre sexuel, parce que, implicitement, quand on étudie tel ou tel auteur c’est la lecture et la réflexion hétéronormatives qui l’emportent, c’est vrai. Mais pas de frustration hétéronormative, toutefois, dans la mesure où la liberté d’esprit propre à un professeur et sa liberté pédagogique qui est et doit rester entière (sans qu’elle relève d’un prosélytisme gay ou d’une obsession sexuelle, bien entendu) doivent lui permettre de dire les choses comme elles sont ou comme elles étaient. Par exemple forcer le trait, dans le sens homosexuel, au sujet de l’amitié entre Montaigne et La Boétie ne convient sans doute pas, mais laisser planer le doute, faire entendre que peut-être… mais pas sûr…, faire comprendre que l’amitié entre deux hommes ne ressemblait pas à ce qu’elle peut être à notre époque (de même que les liens conjugaux d’alors ne ressemblaient pas à ceux de notre temps), était tout à fait permis quand j’enseignais. Du moins, je n’ai jamais eu à me plaindre d’une quelconque censure. En revanche, parler clairement et explicitement des rapports de Verlaine et de Rimbaud, des goûts de Montherlant, de la liberté critique de Diderot, de la vie et des œuvres de Genet, révéler à de grands adolescents la beauté des Nourritures terrestres ou l’audace de Gide avec Corydon relève tout à fait de cette liberté d’esprit et de la liberté pédagogique que je mentionnais. Tout comme dans les cours de grec s’attarder sur l’amitié si dense d’Achille et de Patrocle, sur le personnage d’Orphée dont la tradition réduit la vie à sa relation à Eurydice… Mais là-dessus, je vous renvoie à un livre bientôt dans le commerce.

Je me souviens très bien des réactions suscitées dans mon cours de latin quand, avec des élèves de prépa il est vrai, j’ai abordé les mœurs d’Antoine (vous savez, celui d’Antoine et Cléopâtre !) dénoncées par notre grand (et si prude) Cicéron. Il a été marié, le cher Antoine et à un homme en plus, quand il était jeune. Marié à un dénommé Curion par « un mariage stable et régulier » dit Cicéron ! Et le poète Catulle, donc ! Il n’y va pas de main morte, c’est le cas de le dire, pour invectiver un adversaire. Là où nous disons « Va te faire enc… », les Romains, eux, disaient « Je te jouirai dans la bouche ». Certains parmi mes élèves étaient un peu choqués, m’a-t-on dit, parmi les filles, paraît-il.

Je ne sais si mon cas est généralisable, bien sûr, et je ne le crois même pas, puisqu’un de mes jeunes collègues, parlant des rapports de Néron et d’Agrippine et des traces laissées par le fils dans la litière de sa mère, s’est fait taper sur les doigts par son proviseur, sur plainte de parents. Et c’était au lycée Louis-le-Grand !

L’idée d’introduire la sexualité dans l’Éducation Nationale a dû m’habiter bien des années avant, quand j’ai appartenu à une association (disparue depuis longtemps) dénommée AGLAE (association gay et lesbienne autonome d’enseignants – autonome pour expliciter notre indépendance de tout autre mouvement) qui malheureusement n’a pas abouti. L’entreprise se poursuit sous d’autres formes, je crois, et tant mieux, grâce à des enseignants déterminés. Je n’en sais pas davantage.

T.R. – À l’opposé, de nombreux auteurs, historiens et hellénistes ont fixé les limites de cette homosexualité aux frontières assez strictes (éraste et éromène) qui font qu’il est délicat de comparer les évolutions actuelles avec une antiquité aux codes tellement différents….

Y.Q. : La sexualité a toujours été la sexualité, la nudité a toujours été la nudité… Vous citez fort justement le numéro d’Histoire sur ce sujet. Ce sont les modalités de l’une comme de l’autre qui changent d’une époque, d’une civilisation à l’autre. Mais ce qui reste vrai, cependant, c’est que les Anciens faisaient moins d’histoires à propos des rapports entre mâles, jeunes et jeunes, jeunes avec de moins jeunes. Le mariage était une institution jugée nécessaire pour la survie non seulement de l’espèce ou d’un nom, mais aussi de la cité, de la société. Mais il serait abusif, à mon sens, de dire que les rapports entre hommes et femmes excluaient les rapports sexuels entre hommes. Sous quelle forme ? Peu de textes nous le disent explicitement, crûment devrais-je dire. Pourtant jusqu’à la prédominance « totalitaire » du judéo-christianisme (encore que Boswell à ce sujet soit plus nuancé), il n’y avait pas que de jolis éromènes et d’athlétiques érastes pour illustrer les amours grecques. Foucault dit que c’est l’époque moderne qui a inventé le fist fucking. Probable. Mais chaque époque a ses pratiques et le godemiché ne date pas d’aujourd’hui.

T.R. – Votre maisonnette d’éditions fait figure de « petite maison gay dans la prairie auvergnate ». J’aime vous comparer à H&O qui, basée à Montpellier, fait elle aussi un travail d’une incroyable audace en misant sur la très haute qualité. Votre statut associatif fait la différence et pourrait intéresser certains de nos lecteurs qui ont envie d’écrire : pouvez-vous nous donner quelques détails sur l’histoire d’ErosOnyx et sa localisation dans le Cantal ?

Y.Q. : La localisation d’ErosOnyx dans le Cantal vient simplement du fait que les premiers « aventuriers » de cette association habitent le Cantal, et aussi d’une rencontre d’idées sur la question de l’édition. J’ajouterai que cette histoire, qui a aujourd’hui deux ans et demi, a été suggérée par la directrice d’une maison d’édition spécialisée dans la littérature orientaliste, elle-même située dans le Cantal.

Créer une maison d’édition qui puisse au moins salarier un individu était et reste impensable. Mais notre but n’est pas de faire du profit, c’est de nous faire plaisir et si l’on écrit soi-même sur le vaste sujet de l’érotisme (gay en priorité), de ne pas envoyer son manuscrit à droite et à gauche, sans jamais recevoir de réponse (nous nous faisons un devoir de répondre dans les trois mois à quiconque nous envoie un texte). Le but aussi est de semer des graines et, par la recherche de textes de qualité (autant que possible), créer des liens entre les gays (et les lesbiennes) qui se reconnaissent, ne se sentent pas seuls dans les livres que nous publions, découvrent un patrimoine à eux etc. Cela n’exclut pas que nous puissions éditer des textes hétéros s’ils glorifient aussi une dimension que nous estimons essentielle dans l’être humain, la sexualité et la relation de chacun avec Éros. C’était particulièrement le cas avec Erotika de Yannis Ritsos.

Avec notre projet d’une publication si possible annuelle, intitulée Des nouvelles d’Éros, nous offrons à qui le veut et partage notre conception sur ce point, l’opportunité de voir publié ce qu’il écrit dans ce sens. Nous ne censurerons rien, du moment que le texte nous paraît avoir une qualité littéraire, une touche personnelle.

Nous voulons en outre que l’objet livre soit lui-même attrayant, beau (papier, couverture à rabats, cahiers cousus à l’ancienne…). Aurillac a une tradition dans l’imprimerie et nous avons la chance d’être toujours judicieusement conseillés par notre imprimeur (qui est une femme).

Malheureusement, le Cantal n’est pas Paris pour ce qui est des relations et des soutiens ! À bien des critiques littéraires nous devons paraître très provinciaux ou peut-être prétentieux, malgré nos titres comme ceux de Vivien, Delarue-Mardrus ou Ritsos… Et il y en aura d’autres !

Il faut ajouter que nous n’avons pas créé ErosOnyx Éditions pour le seul public gay et lesbien. Si Les Mots à la Bouche, à Paris, nous soutiennent avec régularité, il y a à Aurillac une excellente librairie qui, sans être gay (je le dis en plaisantant, bien sûr !) nous soutient aussi chaleureusement. et qui n’est pas du tout effrayée par la thématique de nos publications. Le libraire à qui nous offrons toujours un exemplaire de nos nouveaux livres, nous fait chaque fois un compliment sur leur beauté matérielle. Mythologie gayment racontée lui a ainsi particulièrement plu, mais le Sapho de Vivien aussi. Que dira-t-il donc de notre onzième ouvrage, Poèmes 1901-1910 de Vivien prévu pour novembre ? Je dois reconnaître qu’il peut y avoir eu des ratés. Ainsi de Fleur de chair dont je ne suis pas moi-même très satisfait … !

T.R. – Quels sont vos liens avec la revue Inverses et l’Association des Amis d’Axieros, dont il sera prochainement question sur Les Toiles Roses ?

Y.Q. : Après un service de presse assuré auprès d’Inverses, son directeur de publication a pris contact avec nous pour une collaboration qui, jusqu’à présent, a été fructueuse. Il s’agit de la co-édition de Nos secrètes amours de Lucie Delarue-Mardrus. Nous n’avions pas encore un an d’existence. La direction d’Inverses a dû nous juger assez sérieux pour nous proposer cette collaboration qui pourra et devrait se poursuivre.

T.R. – Tout comme H&O, vous semblez superbement et stupidement ignorés par les grands médias, gays ou généralistes : pensez-vous que votre situation hors des cercles parisiens soit la cause de ce silence ?

Y.Q. : Je le pense vraiment, malgré nos efforts et particulièrement ceux de Clément pour joindre de « grands » noms des médias parisiens. Même pas une réponse ! D’où ma réticence personnelle à faire trop d’envois de presse, même à Têtu qui nous ignore superbement. Peut-être, si suivant les conseils de notre premier distributeur (racheté par notre distributeur actuel), nous avions racheté les Éditions gaies et lesbiennes, avec leur catalogue, nous serions-nous mieux fait connaître. Je n’en sais rien à vrai dire. Nous ne l’avons pas fait parce que nos lignes éditoriales n’étaient pas du tout les mêmes et, disons-le franchement, parce que nous n’en avions pas (et n’en aurions toujours pas) les moyens !

T.R. – En contrepartie, posséder un livre édité par ErosOnyx donne l’impression d’avoir près de soi un trésor caché. Quels sont, pour ceux qui n’ont pas encore goûté à ce plaisir les moyens d’y accéder (libraires, sites internet …) ?

Y.Q. : Le bouche à oreille, le cadeau fait à un ami, le détour par Les Mots à la Bouche si l’on habite Paris, et je devrais le dire tout d’abord…. en consultant les commentaires critiques avisés comme ceux de Toiles Roses ou de Handigay !

T.R. – Vous avez récemment reçu une aide du Centre National du Livre pour votre publication du livre de Yannis Ritsos, Erotica : je suppose que cela doit avoir la valeur d’une reconnaissance officielle très gratifiante ?

Y.Q. : En effet, recevoir le soutien financier du CNL moins de deux ans après notre création, a été un grand encouragement avec, comme vous le dites, la valeur d’une reconnaissance officielle. Nous comptons récidiver !

T.R. – Vous accordez – et ce n’est pas courant – une place quasi équivalente aux amours entre filles et aux thèmes gays. Pourriez-vous nous présenter l’état des lieux du prochain colloque autour de Renée Vivien ?

Y.Q. : Je dois ici exprimer ma gratitude à Nicole G. Albert, spécialiste de Vivien, à qui je m’étais ouvert de cette idée de marquer le centenaire de la mort de Renée Vivien. L’idée lui a immédiatement plu et nous avons depuis l’hiver dernier mis en œuvre des efforts communs pour faire aboutir le projet. Le contenu du programme de cette journée du 20 novembre, à savoir « Une femme entre deux siècles » vient de Nicole G. Albert, auteure, sous la direction de qui a été récemment publié un ouvrage collectif intitulé Renée Vivien, une femme à rebours. Oui, Vivien une femme à rebours, c’est bien pourquoi nous nous sommes aussi intéressés à cette poétesse injustement méconnue. Encore que… il semble que son nom revienne peu à peu si l’on en juge par les cinq poèmes d’elle cités dans l’Anthologie de la poésie érotique et décadente (aux Belles Lettres) – elle dont le nom d’ailleurs clôt l’ouvrage – contre un seul d’Anna de Noailles !

T.R. – Il ne me reste plus qu’à vous remercier pour cette si instructive conversation. J’ose espérer que l’on ne nous accusera pas d’avoir parlé comme deux enseignants ! Nous avons cherché à faire partager les plaisirs littéraires et plus généralement humains qu’ErosOnyx s’emploie si bien à proposer au public.

Y.Q. : Sans aucun doute, j’aurais bien des choses à ajouter et à vous dire. mais vos questions m’auront déjà permis de bien faire le point sur notre entreprise que nous préférons appeler « aventure ». Au nom de notre petite équipe, je veux vous remercier pour cet entretien.