IN MEMORIAM

Hommage à Mirande Lucien, ce 23 octobre 2023

Mirande Lucien nous a quittés, le vendredi 13 octobre dernier, comme elle en avait fait le choix. De sa propre décision. Nous la regretterons, mais ne pouvons qu’approuver son choix. Son neveu Benoît et un ami de longue date, Ian, l’ont accompagnée, à Bruxelles. Sa crémation y a eu lieu vendredi dernier, le 20, et ses cendres seront dispersées en France, en Seine-Maritime plus précisément, où elle passa souvent ses vacances.


Son amie Ginette Michaux nous a accordé le droit de reproduire le texte qu’elle a écrit pour l’occasion.

Mirande Lucien est décédée par euthanasie ce 13 octobre 2023 à Bruxelles.

Née le 10 décembre 1945 à Mirande (Gers), elle passe ses vingt premières années à Bruxelles et obtient à l’U.C.L. une licence en Philosophie et Lettres.   Professeur dans l’enseignement secondaire à Lille et chargée de cours à l’Université Charles-De-Gaulle (Lille III), elle garde pour la Belgique un intérêt profond. En témoigne entre autres sa thèse de doctorat sur la vie et l’œuvre de Georges Eekhoud, publiée sous le titre « Eekhoud le Rauque » (Presses universitaires du Septentrion, 1999). Elle y brosse avec érudition les cadres linguistico-géographique et socio-économique dans lesquels a vécu l’écrivain, proche des penseurs anarchistes, co-fondateur de La Jeune Belgique et dont l’œuvre fut longtemps délaissée par la critique. Elle met en relief son univers fantasmatique et érotique et, pour la première fois, évoque clairement son homosexualité, non pour l’anecdote, mais parce que celle-ci constitue – comme l’avait indiqué Hubert Juin – le moteur secret de la thématique et de l’écriture de l’œuvre.

Sa subtile connaissance de la Belgique de l’époque et ses talents multiples se déploient aussi dans de nombreux articles, préfaces, rééditions et éditions critiques de Georges Eekhoud, parus pour la plupart aux éditions GKC – Question De Genre, avec la collaboration de l’éditeur Patrick Cardon. Citons notamment Le Quadrille du lancieret autres nouvelles (GKC 1992, réédition. 2015), Escal-Vigor (Séguier 1996), la traduction en français du scénario qu’Hugo Claus écrivit à partir de ce même roman (GKC 2002), Une mauvaise rencontre et autres nouvelles d’anarchie (Les âmes d’Atala 2013), Voyous de velours (GKC 2015). L’étude de Georges Eekhoud l’a conduite à travailler l’histoire de l’anarchie et celle du mouvement homosexuel. Elle a aussi écrit sur la vie et l’œuvre d’écrivaines comme Renée Vivien, Marguerite Coppin et Aline Mayrisch. Les éditions ErosOnyx ont fait paraître en 2008 un recueil de poèmes de Lucie Delarue-Mardrus, Nos secrètes amours, dont elle a écrit la préface et annoté le texte, et que l’on a trouvé à son chevet.

Mirande Lucien nous fut présentée par le directeur et rédacteur en chef de la revue Inverses et devint la collaboratrice d’ErosOnyx, en particulier pour Nos secrètes amours de Lucie Delarue Mardrus dont elle a rétabli le texte d’origine quelque peu malmené par Natalie Clifford Barney, en 1951, dans son édition de 1951. Mais il est vrai qu’en 1951 Dans les retouches apportées par Natalie Barney, il ne fallait y voir aucune malveillance. Simplement, à cette époque, il était impossible de tout dire. Raison de plus pour que Mirande le dise cinquante-sept ans plus tard, en 2008, elle qui, sa vie durant, célébra et vécut « le geste de Sappho », selon son expression. Elle n’a jamais oublié que le combat sapphique et le combat uraniste devront toujours se mener de front pour que la vie soit « plus vivante que la vie ».

Merci Mirande !

Paix à toi où que tu sois. Nous ne pourrons pas t’oublier.

Le 13 octobre rouvrait à Paris la librairie Violette & Co.

Nous procèderons en 2024 au troisième tirage de Nos secrètes amours.

                                   Yvan Quintin & Pierre Lacroix d’ErosOnyx éditions