FUGUES (Montréal) à propos de BOUGRES DE VIES

Nous vivons dans une société où la sexualité est omniprésente dans les médias, mais il n’en fut pas de même jusqu’à un passé très récent. De fait, plus on recule dans le temps et plus l’information se fait rare. Il faut dire que le papier était précieux et ne se prêtait guère à des consi-dérations inutiles : pourquoi y coucher ce qui, à l’époque, était évident? C’est donc très souvent par l’intermédiaire des codes criminels, des procès ou, même, des graffitis, que l’on peut extrapoler ce qu’était, à un moment donné de l’histoire, la conception de la sexualité. Il en est de même au 19e siècle, qui nous semble pourtant si près de nous : On sait que l’homosexualité était criminalisée, mais que savons-nous de la perception qu’avaient les hommes de l’époque quant à leur orientation? Presque rien, si ce n’était de certains écrits où certains d’entre eux se décrivent et se racontent. La plupart de ces récits furent rédigés à la demande des tribunaux et sont même utilisés à charge contre ces derniers. Cependant, on retrouve également quelques textes écrits spontanément et sans contrainte. Évidemment, nul ne peut faire abstraction du contexte profondément homophobe de l’époque ce qui ne peut que biaiser les explications de ces hommes quant aux causes de leur penchant. On y retrouve néanmoins, une quantité impressionnante d’informations relatives à leur enfance, adolescence, passage à l’âge adulte, découverte de la sexualité et désir pour d’autres hommes. Les classes sociales et métiers sont divers et les fantasmatiques également, mais le propos toujours intéressant bien que dramatique (contexte oblige).

Le tout s’étale de 1845 à 1905 et offre un portrait unique et fascinant de l’époque.

Bougres de vies (Queer lives) : Huit homosexuels du XIXe siècle se racontent / William A. Peniston & Nancy Erber, Courbesserre Village, Cassaniouze, France: ErosOnyx Éditions, 2012. 215p.