SENSITIF, n°41, décembre 2009

C’est avec joie que l’on se plonge dans ce florilège de mythes et légendes antiques qui ose enfin révéler combien le désir et les plaisirs homosexuels hantent la mythologie grecque. Si Yvan Quintin reste fidèle aux sources anciennes, il n’hésite pas à pimenter son propos d’explicites allusions à un érotisme homosexuel longtemps tu. Ainsi se régale-t-on de la description gourmande des appétissantes cuisses de Ganymède ! Impeccablement illustré par Hannes Steinert, cet opus hybride enchantera le lecteur attaché aux lectures ovidiennes, mais aussi curieux de parcourir un tableau imaginaire et inspiré des amours masculines.

TELS QUELS (Bruxelles) octobre 2009

… (Renée Vivien) « construit un véritable mythe fondateur de la culture lesbienne, lui donne ses codes, ses symboles, sa couleur aussi, le violet.

[…] C’est avec un profond respect de l’œuvre originale et des notes essentielles sur la vie et le travail de Renée Vivien que les éditions ErosOnyx nous proposent une réédition de son œuvre en trois volumes :

Renée Vivien, Études et PréludesCendres et PoussièresSapho, 2007

Renée Vivien, Les Kitharèdes – Préface de Marie-Jo Bonnet, 21 €

Renée Vivien, Sapho, 2009, 19 €

(…)

DÉDÉ d’Achille Essebac, roman

Les Amitiés particulières n’ont pas été le roman précurseur que l’on croit. Sans aucunement lui enlever son intérêt et son mérite, on se doit, pour être juste, de dire que bien des années avant le roman de Roger Peyrefitte – jugé scandaleux, comme on sait, à sa publication – un écrivain, jeune encore, Achille Essebac, avait raconté l’histoire d’amours adolescentes, avec Dédé paru en 1901.

Pour peu que le lecteur de ce livre ait lui-même, en sa prime jeunesse, connu les troubles amoureux et les sentiments qu’éprouvent l’un pour l’autre les deux adolescents de ce roman, et en ait gardé un souvenir ému, il ne manquera pas d’être, malgré lui peut-être, profondément touché et mélancoliquement charmé par Dédé . Il le sera par la tendresse amoureuse, d’abord muette, que se portent les deux collégiens, il verra la beauté de Dédé par le regard du narrateur avant que ne s’ouvrent leurs yeux sur la réalité du cœur comme de leur jeune et encore inconscient désir.

Le romancier sait en effet accorder au regard, avec délicatesse, toute son importance pour évoquer « la force souriante, l’achèvement presque parfait des formes adolescentes« , et peindre avec sensualité jambes, cuisses, hanches, torse, « reins creusés d’un trait profond à la flexion du dos« , toute la beauté d’un âge où se devine « la puissance future, fière déjà, (des) mâles étreintes. » Ce regard, si sensible à la grâce de Dédé, n’est pas aveugle à la beauté des camarades, celle d’Yves aux  » yeux bleus et clairs« , au dessin des muscles qui se jouent « dans l’or pâle du maillot« , ou bien de Georges à la chair brune, « flexible comme un iris noir … effilé souple, d’une aristocratique minceur dans un maillot ardent ».

Cette beauté physique de l’adolescence est telle, aux yeux du narrateur – faut-il dire de l’auteur ? – qu’il voudrait en exclure la sexualité. L’hommage qui lui est rendu est si total que la mort même de son ami est acceptée afin que  » vive son souvenir vainqueur de l’emprise inévitable – sans elle – de l’Homme.  » On peut ne pas partager la conception d’Achille Essebac d’une adolescence angéliquement fantasmée et, du moins le croit-il, protégée de la sexualité. Malgré qu’il en ait, la sensualité pourtant n’en est pas absente. Mais il faut lire son roman, ne serait-ce que pour rêver avec lui et, avec lui, se souvenir de nos propres émotions d’un autre âge, celui de notre – déjà – lointaine adolescence. Les éditions Quintes-Feuilles en donnent enfin le texte intégral, accompagné d’une Note sur les deux variantes du roman. Cette Note rappelle aussi avec pertinence que celui-ci connut en quelques années plus de six tirages successifs, au point que l’éditeur de 1901, vu le succès, en proposa une version illustrée.

Spectacle Vivien à la Vénus noire

Située non loin de la Fontaine St-Michel, en plein Quartier Latin, à Paris, la Vénus noire, le 18 novembre à 21 heures, a accueilli plus de cinquante personnes (il a fallu refuser du monde), dans sa superbe cave, anciennement dénommée le Caveau de la Bolée qui a vu sous ses voûtes s’asseoir (et boire !) Baudelaire, Verlaine et bien d’autres, et qu’évoque Francis Carco dans Montmartre au Quartier Latin, pour le spectacle Renée Vivien présenté par la comédienne Saadia Maani de l’Hélicon Café. En « vedettes américaines », on a d’abord entendu Marc Bonvalot lire Le club des damnés, tiré de La dame à la louve, puis tour à tour ou en chant alterné, à l’antique, Nicole G. Albert et la poétesse L dire avec talent et sensibilité des poèmes de divers recueils de Vivien. Paul Edwards a clos cette première partie avec De Viviane à Vivien, traduction anglaise (de lui-même) du poème Viviane du recueil À l’heure des mains jointes.

Un entracte a permis aux spectateurs d’aller au bar boire un cocktail Vivien spécialement préparé par la douce Isabel pour cette occasion (cocktail délicieux, soit dit en passant, à la teinte violette, et que Vivien aurait certainement aimé) avant la reprise.

Jouant Renée Vivien, femme de lettres amoureuse et douloureuse, dans le plus grand silence de la part du public, Saadia Maani (photo) a ému et remué les cœurs. Bougies, étoffes violettes, velours cramoisis, grand vase empli de lys blancs, photos de Renée Vivien aux murs, créaient une atmosphère des plus évocatrices et surtout la musique d’Eugénie Kuffler (photo), accompagnatrice de la comédienne ce soir-là. Au saxophone ou à la flûte, elle précédait ou soulignait, par des sons étranges, pénétrants, mélodieux ou dissonants, les vers de Vivien, dont la voix et l’émotion de Saadia Maani relevaient encore la musicalité. Rappelons que Saadia Maani a conçu son premier spectacle sur Renée Vivien en 2001, comme une libre adaptation de ses poèmes, jouée à plusieurs reprises depuis lors.

Il y a eu 100 ans le 18 novembre 2009

Le 18 novembre 1909, à 6 heures du matin, Renée Vivien rendait son dernier souffle, chez elle. Le 18 novembre 2009, au cimetière de Passy, près du Trocadéro à Paris, se sont réunies quelques personnes fidèles à son souvenir. ErosOnyx Éditions y était présent, bien évidemment, aux côtés de la petite nièce de la poétesse, Imogen Bright, accompagnée de son mari, de Nicole G. Albert, autrice de l’avant-propos de Poèmes 1901-1910, de la poétesse L qu’inspire dans ses propres poésies la dévotion qu’elle a pour la Muse aux violettes, et de quelque dix autres fidèles.

Imogen Bright (voir photo), d’abord, a lu À ma sœur, le dernier poème de Renée Vivien que tout naturellement elle appelle Pauline, puisqu’il s’agit de sa grand-tante. La poétesse L, à son tour, a dit son propre hommage avec Pauline revit, puis Nicolas Berger a lu son Tombeau de Vivien. Enfin la comédienne, Sophie Demmler, avait choisi quelques poèmes de la Muse aux violettes pour clore cette commémoration.

La chapelle funéraire, ouverte pour la circonstance grâce à Imogen Bright, a accueilli des bouquets de lys blancs et même de violettes que Melanie Hawthorne, venue de son Texas lointain où elle enseigne à Texas A&M University, a réussi à trouver en cette saison. Le représentant d’ErosOnyx Éditions, pour sa part, y a déposé, un recueil de poésie de Vivien, première réédition d’Études et Préludes,Cendres et Poussières, Sapho, depuis très longtemps.

Commémoration émouvante, toute simple et amicale que méritait bien une grande poétesse trop méconnue encore. Mais son souvenir n’est pas perdu. Au contraire, lectures, rééditions, ouvrages critiques, communications lors de colloques, spectacles, entretiennent la mémoire et l’admiration pour l’œuvre si abondante et si riche de Renée Vivien

Journée d’étude Renée Vivien le 20 novembre 2009

Renée Vivien: une femme de lettres entre deux siècles 1877 -1909

20 novembre 2009

University of London Institute in Paris 9-11 rue de Constantine, Paris

Programme

9h30. Accueil des participants

9h45. Introduction et présentation de la journée

10h-11h15 : séance 1, présidée par Yvan Quintin (ErosOnyx éditions, éditeur des oeuvres poétiques de Renée Vivien)

1. Marie-Ange Bartholomot Bessou : « Renée Vivien, Sappho, et le verger lesbien »

2. Camille Aubaude : « Propos sur les Khitarèdes : beauté, lyrisme et chant d’amour ».

11h15-11h30 : pause café

11h30-12h45 : séance 2, présidée par Brigitte Rollet (Université de Londres à Paris)

3. Anne-Marie van Bockstaele : « Renée Vivien et Lucie Delarue-Mardrus : rencontre et divergences poétiques »

4. Mirande Lucien : « Renée Vivien sous le signe d’Ourania Aphroditê »

12h45- 14h15 : déjeuner

14h15-15h30 : séance 3, présidée par Louise Lyle (Université de Londres à Paris)

5. Martine Reid : « Le genre, autrement (dans le recueil la Dame à la Louve) »

6. Melanie Hawthorne: « “Vous êtes ici” : le tombeau de Renée Vivien »

15h30-15h45 : pause café

15h45-17h : séance 4, présidée par Patrick Cardon (éditeur des Cahiers GKC)

7. Nicole G. Albert : « Postérités de Renée Vivien »

8. Jean-Paul Goujon : « De Renée Vivien à Maria-Mercè Marçal : inspiration et réécriture »

17h15-17h45 : lecture d’extraits de l’oeuvre par la comédienne Sophie Delmer

18h : cocktail de clôture

Responsables : Brigitte Rollet et Nicole. G. Albert

Url de référence :
http://www.ulip.lon.ac.uk/events/list-of-events.html

Adresse : University of London Institute in Paris 9-11 rue de Constantine 75340 PARIS Cedex 07 FRANCE

Salon des éditeurs indépendants 2009

Les 20,21 et 22 novembre 2009, le 7ème Salon international des éditeurs indépendants s’est tenu à l’Espace des Blancs Manteaux, à Paris sous l’égide de l’Association l’Autre Livre.

Plus de 150 exposants y ont pris part, des plus modestes aux plus importants comme les éditions Allia, La Musardine ou Sulliver. ErosOnyx ÉdItions y était présent pour la première fois, aux côtés des éditions Quintes-Feuilles.
Nous avons reçu un grand nombre de visiteurs intéressés par nos publications, d’auteurs aussi, jusqu’à une traductrice patentée intéressée par l’un des ouvrages exposés.

LESBIA MAG n° de septembre 2009

Lesbia Magazine, septembre 2009

Renée Vivien, Sapho par Hélène de Monferrand

L’immense supériorité des éditions ErosOnyx quand ils rééditent Renée Vivien, c’est que lorsqu’il s’agit d’une traduction, ils nous donnent le texte grec et c’est un régal. Certes il manque quelques beaux fragments du papyrus d’Oxyrhynchos qui n’avaient pas encore sinon découverts du moins exploités, et c’est dommage car on aurait aimé savoir ce que Vivien en aurait fait, mais telle quelle cette traduction-adaptation (parce que Vivien sollicite parfois le texte) est nécessaire. Elle avait une vision bien peu historique de la vie à quotidienne Lesbos vers 600 avant JC, mais elle avait au moins la certitude que la Lesbienne était lesbienne et cette vision pour nous évidente était rare en 1900. Cette édition vaut aussi par sa préface et son « apparat critique ». Quand j’ai ce genre de livre entre les mains je ne regrette pas mes neuf années de grec … soit dit en passant.

Accent, drame et beauté de Renée Vivien : le témoignage d’un connaisseur

Renée Vivien : « servir sa gloire et son nom ».

L’ouvrage collectif Renée Vivien à rebours se clôt par une série de Documents inédits de et sur Renée Vivien, offerts pour la première fois au public par Jean-Paul Goujon. Nous avons particulièrement retenu le 14ème document, Lettre de G. Jean-Aubry à Yves-Gérard Le Dantec, qui est un encouragement supplémentaire, si besoin était, à la réédition des œuvres poétiques de Renée Vivien. Voici cette lettre citée in extenso par souci d’impartialité, datée du 12 novembre 1941, « à un moment où l’ordre moral, écrit Jean-Paul Goujon, était de nouveau à l’honneur en France » :

« Cher Monsieur et ami,

Je viens de lire avec un intérêt soutenu votre livre sur Renée Vivien (Femme damnée, femme sauvée, Aix-en-Provence, 1930 NdE) et je vous remercie particulièrement de me l’avoir envoyé. Il y avait longtemps, très longtemps, que je n’avais lu des vers de la poëtesse, encore que certaines pièces me fussent bien demeurées dans la mémoire. Mais vos citations et vos remarques ont ranimé en moi des souvenirs à peine sommeillants. À vous dire vrai, et parce que je viens de faire de celle-ci un usage tout récent, je trouve en Renée Vivien un bien plus grand et plus profond poëte qu’en Marceline, dont les quatre cinquièmes sont à désespérer d’ennui et d’une fluidité douteuse d’eau de vaisselle. Le public, qui n’entend nécessairement rien à l’art, préférera toujours les « bons sentiments » de l’auteur des « Roses de Saadi » aux mauvais de la poëtesse sapphique. Mais il y autrement d’accent, de drame et de beauté chez celle-ci, et un souci et une connaissance de son instrument qui laissent loin derrière même Anna de Noailles.

Il est évidemment dommage qu’elle ait eu – en dehors de ses vers ‒ si mauvais goût et que son peintre ait été Lévy-Dhurmer, plutôt que tel autre, Redon par exemple ou quelque autre. Mais Marcel Proust a bien associé ses pages à la peinture de mirliton de Madeleine Lemaire. Toutefois le mauvais goût et l' »esthétisme » de Renée Vivien n’entament pas la substance à la fois solide et frémissante de son œuvre.
Je ne crois pas que l’heure de la justice puisse sonner encore pour ce poète (car ce n’est pas qu’une poëtesse) ; les malheurs de ce temps nous préparent, je le crois bien, une ère de pruderie et de mauvais goût officiel qui rappellera les meilleurs moments où Renée Vivien naquit. Il ne faut donc pas espérer qu’on place ses œuvres au rayon que nous lui accordons dans notre pensée.

Peut-être une anthologie servirait mieux sa gloire et son nom : un petit volume très mince réunissant quelques-unes des maîtresses pièces comme on fait pour les « classiques » ou simplement pour les tables de boudoir. Cela ne nous contenterait pas, mais serait mieux que le silence, l’oubli ou l’ignorance. Un petit recueil imprimé sobrement. Je sais bien que cette œuvre n’est pas, comme l’on dit si justement, « tombée dans le domaine public » : mais peut-être obtiendrait-on de Lemerre ou des successeurs de Sansot ce « prélèvement » d’une parcelle de cette cendre encore chaude.

Je suis voisin de son tombeau et déplore que cette demeure dernière de notre Sappho voisine avec la chapelle sarmate de cette « Notre-Dame du sleeping-car », comme disait Barrès, de cette Marie Bashkirtseff qui n’avait que des prétentions. Il y a du « guignon » dans la vie de Renée Vivien comme dans sa mort et sa tombe : elle est de la famille de Poe et de Baudelaire, famille maudite par les familles mais où les Dieux et Dieu reconnaissent les leurs.

Que ne nous donnez-vous ce nouveau « choix » ? L’asphodèle vaut bien la violette : on n’aurait pas de peine à ranimer des fleurs pour cette tombe : elles sont dans l’ombre, mais non point fanées et méritent mieux que « l’exil des tombes », comme disait Villiers.

Très amicalement à vous
G. Jean-Aubry

In Renée Vivien à rebours, étude pour un centenaire, Paris, Orizons, 2009 pp. 220-221

LA RUMEUR, film en noir et blanc de William Wyler, 1961

La Rumeur, film de 1961 de William Wyler, en DVD Métro-Goldwyn-Mayer, 2004

Quand finira-t-on de dire et de lire que ce film méconnu de l’auteur du sensuel et mythique Ben-Hur (1959), n’est que le triste reflet d’une époque puritaine où deux femmes qui s’aiment ne peuvent que se taire, se marier ou mourir ?

Tout d’abord, avant le suicide final, il y a la longue et très claire déclaration d’amour de Martha (Shirley MacLaine) à son amie d’enfance Karen (Audrey Hepburn). Ce long monologue est à lui seul un morceau d’anthologie. Mais il y a aussi la scène finale qu’il faut voir et revoir pour en comprendre toute la portée : elle mêle le travelling avant et la contre-plongée sur Karen métamorphosée. Après les obsèques de Martha, après l’hypocrite douleur des assistants, Karen marche, marche dans l’allée entre les tombes, quitte le cimetière sans jeter un regard à quiconque, pas même au beau Dr Joe Cardin (James Garner) qui lui promettait le mariage et qu’elle écoutait par méconnaissance d’elle-même. Karen passe entre les voitures noires, s’échappe, les yeux levés vers les feuillages et le ciel, avec une surprenante lueur printanière dans le regard.
Le titre original du film, The children’s hour (qui fut d’abord une pièce), pourrait se traduire par Quand les enfants ont tous les droits. C’est en effet une autre audace de William Wyler de dénoncer la perversité dont sont capables les enfants, ici des fillettes de bonne famille qui cherchent à échapper à leur pensionnat.

Et si la vie et la liberté étaient au bout de la rumeur et de la mort qu’elle a entraînée ? Karen porte désormais Martha en elle, Martha vit en Karen.

S’ajoute à la force de ce film la beauté de ses images et portraits en noir et blanc.