Dans YAGG du 7 avril 2016, Christophe Martet interroge Didier Roth-Bettoni

Didier Roth-Bettoni, auteur d’un livre encyclopédique, L’Homosexualité au cinéma, analyse dans Différent ! le film de Philippe Vallois sorti en 1979, Nous étions un seul homme, avec Serge Avédikian et Piotr Stanislas. Nous l’avons interviewé sur cet ovni du cinéma gay et du cinéma français tout court.
L’histoire de Nous étions un seul homme se passe en 1943 dans les Landes, dans la France occupée et présente la rencontre entre un soldat allemand déserteur et un jeune paysan français un peu simplet. C’est aussi la naissance d’un amour et le film tranche par sa représentation directe de la sexualité entre hommes. Un choc pour l’époque. Trente six ans plus tard, le film, dont le DVD est joint au livre, n’a rien perdu de sa force et de sa poésie.

Quelle place tient ce film de Philippe Vallois dans le cinéma gay français?
À l’époque, il existe une mini vague de cinéma gay indépendant, avec beaucoup de courts métrages militants. Mais la représentation dominante de l’homosexualité est celle véhiculée par La Cage aux folles, immense succès en 1978, un an avant la sortie de Nous étions un seul homme. C’est le troisième long métrage de Philippe Vallois et ce film arrive avec beaucoup d’innocence, de fraîcheur. Il ne répond ni aux codes des films militants, ni à ceux des films caricaturaux. Ce film représente l’homosexualité de façon naturelle, désinhibée, déproblématisée, dé-victimisée, une sorte d’évidence. Ça ne ressemble pas à ce qu’on a l’habitude de voir. L’homosexualité est là comme une sorte de fait acquis dès le début du film. C’est ce qui le rend extrêmement moderne parce que pendant très longtemps, aucun autre film ne va proposer cela et il va falloir attendre ces dernières années. La démarche de Philippe Vallois est prémonitoire du cinéma de Xavier Dolan ou Céline Sciamma qui placent la question dans leurs films sans en faire une problématique.

Qui est Philippe Vallois à l’époque?
C’est un cinéaste assez isolé, un franc-tireur. Il ne fait pas partie d’une des multiples chapelles du cinéma français, la Nouvelle Vague ou le cinéma réaliste. Dans le milieu gay, il ne fait pas partie des militants politiques qui s’engagent dans le cinéma.

Dans le livre, tu présentes aussi une sélection large des critiques de presse de l’époque où l’on peut voir que les journaux progressistes comme «Libération» ne sont pas forcément les plus positifs sur le film?
Ce qui est très singulier, c’est que ce film a un écho dans la presse, alors que très souvent, les films gays rencontrent un silence assourdissant ou un mépris condescendant. Il y a deux ans, j’ai écrit un livre sur le film Sebastiane de Derek Jarman qui date de 1976. Ce qui m’avait frappé, c’est que la presse française avait totalement ignoré ce film. Pour Nous étions un seul homme, quelques grands journaux et quelques grandes plumes écrivent sur le film. On peut souvent y lire une forme de gêne par rapport à la façon dont le film montre l’homosexualité et les contorsions des journalistes qui soulignent les qualités et les défauts mais sans jamais dire clairement que ce qui les gêne c’est les scènes de sexe entre hommes.

Après ce film, qu’est-ce qu’a fait Philippe Vallois?
Il va tourner une dizaine de films mais un seul, Haltéroflic, va sortir en salles, les autres uniquement en vidéo. Ça n’a jamais été facile pour lui de monter ses films, qui n’ont pas eu de vrai succès en salles. Et le cinéma français fonctionne beaucoup par réseau, par chapelle mais Vallois est étranger à ça et farouchement indépendant.

Tu dirais qu’il ressemble à Rémi Lange?
Oui, dans sa démarche. Ce sont deux réalisateurs très singuliers, qui par leur mode de fonctionnement, leur univers et leur personnalité, ne peuvent pas appartenir à un groupe. Cela limite leur impact et leur reconnaissance. Avant Nous étions un seul homme, Vallois avait tourné Lamento, pour lequel il a essayé de se brider. C’est un film qui raconte une histoire d’amour hétéro, avec un scénario lambda et une production traditionnelle et c’est un ratage. Le film n’est pas sorti. Peut-être ne peut-il créer que dans cette forme de dénuement.

En 1978, il n’y avait pas eu beaucoup de films sur l’homosexualité. Quarante ans après, j’ai l’impression que le cinéma a un peu fait le tour de la question. Qu’est-ce qui pourrait donner envie de voir ce film?

Ce film est assez proche de films très récents. Bien sûr, le film est de son époque mais c’est aussi un témoignage historique et ce qui le rend très moderne, c’est sa façon assez crue de représenter le corps masculin. Ce film permet de découvrir un cinéaste important et totalement inconnu. Et c’est un film qui tranche parce qu’il représente l’homosexualité durant la Seconde Guerre mondiale de façon très différente. Avant cela, les gays ou les lesbiennes sont dans le cinéma, en particulier les films italiens, toujours du côté des bourreaux. Et il va falloir attendre 25 ans après le film de Vallois pour que le thème de la déportation homosexuelle soit traitée à l’écran. Le film sort pas très longtemps après Une journée particulière d’Ettore Scola, qui lui aussi fait passer l’homosexuel du côté des victimes et pas des bourreaux. C’est un film très novateur aussi pour cela.

Différent !, de Didier Roth-Bettoni, collection Images, ErosOnyx Éditions, 108 p. et le DVD du film, 23,50€.

Le 25 avril, Nous étions un seul homme sera projeté au cinéma Le Brady, à Paris, en présence de Philippe Vallois et de Didier Roth-Bettoni, dans le cadre du ciné-club LGBT Le 7e Genre, animé par Anne Delabre.

Dans YAGG du 4 avril

Sushi, Jacques Actruc, Erosonyx, 66 p., 9,50 €.
Excellente entrée dans l’œuvre originale de ce bibliothécaire cantalo-parisien.

Quadra en déshérence sexuelle, le narrateur va connaitre un retour du printemps (et de son fameux rouleau…) quand le jeune et attirant Reiko va, chaque dimanche, quand son étouffante mère est de sortie, vivre avec lui un érotisme poético-sauvage, passionné et porteur d’espoir… Un arrière-goût d’Empire des sens ajoute à cette longue nouvelle aphrodisante, une pointe d’inquiétant piment.
Poursuivre par son ode au sperme avec l’essai-poème éponyme (Sperme toujours chez Erosonyx en 2010); se diriger enfin prudemment vers Chambranle (chez Sens&Tonka en 2006), l’apothéose du gore faussement tranquille. EG

Dans BENZINE, webzine d’essence culturelle

Différent de Didier Roth-Bettoni
7 mars 2016

En 1979, en marge du Festival de Cannes, est présenté un OVNI cinématographique : « Nous étions un seul homme ». Didier Roth-Bettoni, journaliste, écrivain et militant « queer », explore la singularité de ce film presque culte, et de son auteur, Philippe Vallois.

Nous étions un seul homme est un film que le grand-public ne verra sans doute jamais. Il raconte la rencontre presque surnaturelle, mais évidente d’un jeune forestier et d’un soldat allemand, pendant la seconde guerre mondiale, dans les Landes. La spécificité de ce long-métrage de Philippe Vallois, sorti en 1979, est qu’il dépeint une relation homosexuelle débutante, dans un contexte historique hostile, de façon naturelle, en évitant toute analyse psychologique et jugement moral ! Filmé avec peu de moyens, une équipe réduite et deux acteurs téméraires qui vont porter leurs personnages avec une aisance déconcertante, le film est en totale rupture avec la représentation des homosexuels au cinéma.

Didier Roth-Bettoni, spécialiste du cinéma queer, replace le film dans la cinématographie de ce réalisateur atypique, venu au cinéma sans l’ambition de révolutionner le 7eme art, (mais dont chacun des films est un objet singulier), dans son époque… et explique en quoi il est différent, tout comme son « créateur » !
Loin de l’industrie cinématographique, Philippe Vallois est un « artisan » qui refuse les concessions et persiste à aller au bout de ses rêves, sans pour autant avoir la prétention de livrer des messages militants… Quitte à s’éloigner de la reconnaissance publique et se couper des circuits classiques (ses films seront édités en DVD)… Le prix à payer pour ce cinéaste dont on aime le franc-filmer !

Le livre est accompagné du DVD du film et d’un documentaire retraçant le tournage du film, les souvenirs des acteurs, des techniciens…

Hugues DEMEUSY
Différent ! Nous étions un seul homme et le cinéma de Philippe Vallois
Édition ErosOnyx
108 pages – 23,50 euros

Dans HÉTÉROCLITE du mois de mars, entretien avec Philippe Vallois

Dans la seconde moitié des années 70, le réalisateur Philippe Vallois a marqué les esprits avec deux films (Johan en 1976, Nous étions un seul homme en 1978) qui ont suffi à l’imposer comme l’un des précurseurs du cinéma gay français. Aucun de ses films suivants, pourtant, ne recueillera le même succès critique et public ; la plupart ne sortiront d’ailleurs pas en salles mais directement sur le petit écran, en VHS ou en DVD. Vallois, pourtant, n’est pas totalement oublié : plusieurs festivals de cinéma lui ont rendu hommage (Montréal en 1991, Turin en 2007, Lyon en 2011…) et les éditions ÉrosOnyx viennent de lui consacrer un deuxième ouvrage. Après La Passion selon Vallois : le cinéaste qui aimait les hommes (une autobiographie parue en 2013 et réalisée à partir d’entretiens avec Ivan Mitifiot, directeur du festival Écrans Mixtes), elles publient en ce printemps 2016 Différent ! Nous étions un seul homme et le cinéma de Philippe Vallois, signé du critique de cinéma Didier Roth-Bettoni (qui collabore de longue date à Hétéroclite). Rencontre avec un cinéaste qui n’a pratiquement jamais cessé de tourner, souvent avec des moyens dérisoires mais avec un amour sans faille pour les hommes et le septième art.

Beaucoup de vos films (Johan
, Un parfum nommé Saïd, Sexus dei, Zeus le chat…) sont nés d’une rencontre amoureuse ou sont d’inspiration autobiographique. Est-ce également le cas de Nous étions un seul homme ?

Philippe Vallois : Même si je n’ai évidemment pas vécu la même histoire que Guy et Rolf, j’ai mis, comme toujours, beaucoup de choses personnelles et autobiographiques dans ce film. Je me suis inspiré de relations que j’avais eues plus jeune. Par exemple avec un certain Georges, un routier à l’enfance un peu bizarre qui avait été quasiment élevé par une vache et dont j’avais été un peu amoureux. Ou encore d’un Espagnol dont je partageais la chambre quand je faisais les vendanges dans le Sud-Ouest, à l’âge de dix-neuf ou vingt ans. Un midi, on s’est bourré la gueule et c’est une expérience que j’ai reproduite dans le film. Même chose pour la scène du concours de pisse, qui vient elle aussi d’un souvenir : j’étais chez mes grands-parents avec des copains, on avait un peu bu et on a décidé de pisser dans nos verres. Quant au thème de la jalousie, il m’a été inspiré par ma relation, très passionnelle, avec mon ami Johan. Il y a comme cela plein de choses que j’ai vécues et qui se retrouvent dans le film.

Quelle est la genèse du film et pourquoi avez-vous eu l’envie de raconter une histoire qui se déroulerait durant l’Occupation ?

Philippe Vallois : Le film est né d’une rencontre avec un producteur qui voulait ouvrir une salle de cinéma gay porno, comme cela existait à l’époque. Il m’a demandé de tourner un porno pour le projeter dans sa future salle et je n’ai pas dit non, car j’avais réalisé peu de temps avant Johan, qui était déjà un peu «sexe». Au départ, Nous étions un seul homme devait donc être un porno… Finalement, je suis parti sur une histoire qui n’était plus du tout porno, mais ce producteur était content néanmoins et il a accepté de me filer un peu de fric pour produire le film. C’est comme ça que Nous étions un seul homme a pu voir le jour. Je m’intéressais beaucoup à la période de la guerre et j’avais lu une biographie d’Antonin Artaud qui parlait de ses internements et de l’abandon des hôpitaux psychiatriques par les autorités de Vichy, qui considéraient les malades mentaux comme des sous-hommes et les ont laissés littéralement mourir de faim par milliers. De là est venue l’idée de faire de Guy un personnage un peu fou, échappé d’un asile. J’allais souvent dans le Sud-Ouest car l’un de mes meilleurs amis habitait en communauté dans cette région, où je savais que l’Occupation avait été particulièrement dure – donc pourquoi ne pas tourner dans les Landes ? Au départ, le film devait s’appeler Combat et je me suis demandé s’il s’agissait d’un combat physique entre deux hommes ou d’un combat intérieur, d’un combat sur soi-même, plus poétique. D’où cette histoire de deux hommes dans la guerre, qui luttent mais finissent par aller jusqu’au bout de leur passion, jusqu’à la mort.

Vos films parlent beaucoup d’homosexualité mais assez peu d’homophobie – et c’est ce qui fait aussi leur nouveauté radicale et les différencie de beaucoup d’autres films gays d’hier et même d’aujourd’hui. Dans votre cinéma, l’homosexualité est une donnée, pas un problème ; c’est à la société de s’adapter aux homosexuels et non l’inverse.

Philippe Vallois : J’ai eu pas mal de chance, car je n’ai pas vraiment souffert de l’homophobie. J’avais une famille tolérante. C’est peut-être pour ça que dans mes premiers films, je n’étais pas dans la bagarre mais plutôt dans le constat de la réalité.

Dans son livre, Didier Roth-Bettoni évoque « le foisonnement de réalisateurs « gays » faisant des films « gays » au milieu des années 70 » (période où vous réalisez Johan et Nous étions un seul homme) et cite des noms oubliés comme Dominique Delouche, Guy Gilles, Adolfo Arrieta, Jean-Louis Jorge, Olivier Desbordes ou celui, un peu plus connu, de Lionel Soukaz… Ces cinéastes étaient-ils pour vous des sources d’inspiration ?
Philippe Vallois : Pas vraiment. Adolfo Arrieta ou Jean-Louis Jorge tournaient toujours en effet des histoires où il était question d’ambiguïté sexuelle, avec une esthétique gay et parfois une scène homosexuelle mais avec aussi toujours un personnage féminin – des femmes un peu âgées, très intellectuelles, comme Jeanne Moreau, Hélène Surgère ou Danielle Darrieux qui plaisaient énormément aux pédés de l’époque. Tous ces réalisateurs homos tournaient autour du pot, ils n’avaient pas le courage de dire «je fais un film pédé». Même André Téchiné, qui mettait en scène Marie-France Pisier, Isabelle Adjani ou Gérard Depardieu, n’osait pas aborder le sujet. J’étais le premier à parler de ça en 1975 avec Johan et des amis m’avaient même mis en garde, me disant que j’allais flinguer ma carrière, que parler de choses comme ça, c’était trop culotté. J’étais peut-être inconscient, mais j’avais envie de le faire ; c’était ma liberté. Les gens étaient encore un peu coincés, même si le mouvement vers plus d’acceptation s’amorçait. Quand Nous étions un seul homme est sorti en 1978, c’était déjà un peu moins tabou. Et il y a eu, l’année suivante, Race d’ep, de Lionel Soukaz et Guy Hocquenghem, qui traitait vraiment d’homosexualité sans fioriture. Ensuite il y a eu L’Homme blessé de Patrice Chéreau, mais c’était bien après, en 1983.

Malgré ce qu’on pouvait craindre, Johan a été bien accueilli et même sélectionné au festival de Cannes en 1975.

Philippe Vallois : Oui, j’ai été très agréablement surpris. On sortait de la décennie des années 60, avec tous ces cinéastes de la Nouvelle Vague (Truffaut, Chabrol, Godard…) qui ne traitaient que de relations hétérosexuelles. C’était très difficile de parler d’autre chose.

Et pourtant, après Nous étions un seul homme, un seul de vos films (Haltéroflic, 1984) bénéficiera d’une sortie en salles. Avez-vous le sentiment qu’il était plus facile alors qu’aujourd’hui, pour des films un peu « hors-normes », d’accéder aux réseaux de distribution ?

Philippe Vallois : Oui, car à l’époque, il existait plein de petites salles d’art et essai, qui projetaient des films un peu underground. Aujourd’hui, c’est plus difficile. Je viens de terminer un film mais je ne suis pas du tout sûr qu’il sera distribué alors que je l’ai réalisé dans un esprit de cinéma et que j’y ai mis un peu de fric. Ça s’appelle Les Cercles du vicieux et ça se passe dans les années 70. C’est l’histoire d’un jeune homme de retour du festival de Cannes qui se paume en pleine forêt. Il frappe à la porte d’une maison et un homme – que je joue moi-même – lui ouvre. On ne sait pas trop ce qu’il cherche mais il dit être un homme du futur devant délivrer un message… Le ton est légèrement philosophique, fantastique, humoristique, poétique.

Parmi les cinéastes qui abordent aujourd’hui les thématiques homosexuelles dans leurs œuvres, lesquel-le-s aimez-vous particulièrement ?

Philippe Vallois : Je n’en connais pas énormément mais j’aime bien les films de François Ozon, que je trouve toujours intéressants. C’est surtout à travers les festivals que je découvre les cinéastes, comme le Grec Pános H. Koútras que j’ai rencontré l’an dernier à Lyon lors du festival Écrans Mixtes. J’ai beaucoup aimé L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie et Le Chanteur de Rémi Lange : deux très bons films français qui parlent d’homosexualité et d’autres choses aussi… Il est certain que l’homosexualité est beaucoup plus abordée dans le cinéma aujourd’hui qu’autrefois, même si c’est par le biais d’un personnage secondaire.

Photo Philippe Vallois © Michel Benetton

À lire, aux éditions ErosOnyx

La Passion selon Vallois : le cinéaste qui aimait les hommes de Philippe Vallois (2013)

Différent ! Nous étions un seul homme et le cinéma de Philippe Vallois de Didier Roth-Bettoni (2016)

Rencontres avec Didier Roth-Bettoni pour Différent ! Nous étions un seul homme et le cinéma de Philippe Vallois

– samedi 2 et dimanche 3 avril à la Fête du Livre d’Autun à l’Hexagone, 1 boulevard Frédéric Latouche – Autun / 06.80.30.45.35 / www.lireenpaysautunois.fr

– jeudi 7 avril à 19h (en présence de Philippe Vallois) à la librairie Les Mots à la bouche, 6 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie – Paris 4 / 01.42.78.88.30 / www.motsbouche.com
– du 19 au 24 avril aux Rencontres Cinématographiques In&Out : Festival du film Gay et Lesbien de Nice, avec Didier Roth-Bettoni

– lundi 25 avril au cinéma Le Brady à Paris, dans le cadre du ciné-club Le 7e Genre animé par Anne Delabre, avec projection du film Nous étions un seul homme, en présence de Didier Roth-Bettoni, Philippe Vallois et de Serge Avédikian, l’acteur principal


– mercredi 11 mai à la Cinémathèque de Saint-Étienne, avec la projection du film, en présence de Didier Roth-Bettoni et Philippe Vallois

Dans CLAP n° 8 : « Didier Roth-Bettoni décortique le cinéma de Philippe Vallois » par Franck Finance-Madureira

Didier Roth-Bettoni décortique le cinéma de Philippe Vallois

Journaliste et historien du cinéma, Didier Roth-Bettoni est l’auteur de la bible du cinéma queer. Avec ses 800 pages, L’Homosexualité au cinéma , publié en 2007 chez La Musardine, reste à ce jour une véritable référence. Comme il l’avait fait avec Sebastiane de Derek Jarman dans son livre Sebastiane ou saint Jarman, cinéaste queer et martyr (aux Éditions ErosOnyx, accompagné du DVD du film), Roth-Bettoni fait un gros plan sur un film culte pour élargir son propos à l’œuvre du cinéaste ainsi qu’à son importance artistique et politique.

C’est donc ici le film Nous étions un seul homme de Philippe Vallois qui est mis à l’honneur. Dans un texte précis, court et sensible, Didier Roth-Bettoni remet au premier plan l’importance du film dans l’histoire du cinéma « gay » à la française. Cette histoire simple sur fond de deuxième guerre mondiale, c’est celle de l’amour naissant entre un jeune Français et un soldat allemand blessé que ce dernier recueille. Mais c’est surtout l’un des premiers films traitant ouvertement, et en sujet principal, d’une histoire d’amour entre deux hommes. Le livre nous replonge à la fin des années 70, notamment via des archives de critiques cinéma assez incroyables, dans cette façon qu’avait la société française de l’époque de ne pas vraiment oser parler d’un film gay comme d’un film tout court. Nous étions un seul homme, troisième œuvre de son auteur-réalisateur-monteur, n’a fait que 20.000 entrées à sa sortie en 1979 mais a forgé la cinéphilie et l’engagement de nombreux spectateurs.

L’avantage de cette collection est de pouvoir alterner lecture de textes d’analyse ou des dialogues et visionnage du film et de son bonus créé spécialement par Vallois (le DVD est fourni avec le livre). Si l’entrée en matière proposée par ce livre vous en donne l’envie, n’hésitez pas à poursuivre cette découverte avec la lecture de l’autobiographie de Philippe Vallois, La Passion selon Vallois, l’homme qui aimait les hommes , publiée en 2012 chez le même éditeur et accompagné des DVD de son premier film, Les Phalènes (1975), et d’une de ses créations plus récentes, Sexus Dei (2006).

Différent !, « Nous étions un seul homme » et le cinéma de Philippe Vallois, disponible dès maintenant aux Éditions ErosOnyx.

Différent ! Philippe Vallois

Tags: Didier Roth-Bettoni, homosexualité, L’Homosexualité au cinéma, « Nous étions un seul homme », Philippe Vallois, queer

Dans YAGG du 12 décembre 2015, GARCIA LORCA

Sonnets de l’amour obscur, Federico Garcia Lorca, Eros Onyx, 80 p., 15€.
Traduction nouvelle d’Élodie Blain

Entre nous deux, de ton cœur à mon cœur
Un souffle d’étoiles, un frisson de plante
Une épaisseur d’anémone évente
Un an tout entier d’obscure douleur.

Quatrain extrait d’un des onze sonnets du grand poète espagnol, délibérément tué à 38 ans, en 1936, par les nervis de Franco, parce que Républicain (un vrai, pas à la sauce sarko) et homosexuel. Présentée dans un écrin bilingue de très belle facture par ErosOnyx, cette part de l’œuvre du poète et dramaturge toujours célébré quand Franco est exécré, passionne pour au moins deux raisons: la beauté de fiévreux sonnets d’amour lyrique, teintés de surréalisme, et par la postface indispensable d’Yvan Quintin.

Yvan Quintin démonte (avec quelle acuité!) les tentatives récurrentes de faire de Lorca un poète hétérosexuel, comme ce fut entrepris pour les sonnets de Shakespeare! L’éditeur illustre les sonnets de reproductions de magnifiques toiles érotiques de Luis Caballero… Un grand petit livre dont on comprend que les 500 premiers tirages aient déjà trouvé aficionados…

Comme j’ai peur de perdre la merveille
De tes yeux de statue, et l’inflexion
Que vient souffler la nuit à mon oreille
Rose sauvage, ta respiration.

Dans FUGUES (Montréal, Québec, vol. 32, n°4) juiilet 2015

Magnifique livre de Kent Neal, un auteur américain qui réside maintenant à Lyon où il écrit dans la langue de Molière. Le présent ouvrage se veut une collaboration avec Dorian Jude, pour les illustrations, et François Mary pour la transposition graphique des textes, qui ont ainsi créé un objet qui captive tant la vue que l’esprit.

Poésie structurée à partir de la part d’insaisissables d’un instant : les folles pensées qui nous habitent le temps d’un battement de paupières. Dans cet univers en constante mutation, tout n’est que précarité et l’auteur s’attache donc à décrire ces moments périssables avant qu’ils ne soient oubliés à jamais.

« La première réplique, c’est la carte d’embarquement.
Mais sera-t-il d’accord pour prendre l’avion avec toi ?
Tu ne sais combien de temps durera ce vol.
Ami, amant, amour.
Tu ne sais pas où l’avion vous emmènera.
Vas-y, dis-lui la première réplique. » (La première réplique)

Benoît Migneault

Un connaisseur !

Ce livre contient l’analyse du film SEBASTIANE par Didier Roth-Bettoni, le plus fin connaisseur en France de Derek Jarman, « queer et martyr », comme le dit son sous-titre, artiste et militant fauché par le sida en 1994, grand poète de la pellicule encore peu connu et reconnu en France, « leader qui manque » pourtant comme l’écrit Roth-Bettoni.

S’y ajoute, écrite par Yvan Quintin, une présentation détaillée du vrai Sébastien et de la tradition religieuse, puis esthétique et enfin homo-érotique qui ont fait de lui un saint pas comme les autres, déchiré entre le profane et le sacré, la chair et l’absolu ou peut-être le symbole des deux entrelacés dans la posture désirable de son martyr (voir couverture du livre, un plan du film de Jarman). S’y ajoute encore, toujours par Yvan Quintin, la traduction des dialogues latins du film (mais oui, Mel Gibson n’est pas le premier à avoir eu l’idée de tourner un film à sujet antique en latin!), traduction plus scrupuleuse que les sous-titres français du film sorti en 1975. Là encore Jarman sait mêler l’invention d’un peplum hypersensuel (interdit aux moins de 18 ans à sa sortie… il est à déconseiller aux amateurs de peplums familiaux) et le cérémonial d’un sacrifice porté par la musique de Brian Eno.

Gourmets de version latine érotique, à l’heure de la triste suppression du latin et du grec à l’école, ne pas s’abstenir ! Si je rajoute que le DVD que je viens de découvrir avec le livre, est en version respectant le cadrage original, sans découpe de censure à la différence d’autres éditions italiennes ou allemandes, et la seule à proposer à ce jour les sous-titres français d’origine, n’hésitez pas : ce livre-film est une pépite comme d’ailleurs tant d’autres livres rares et soignés des collections variées des éditions ErosOnyx (EO pour les connaisseurs !)

Signé : François
Posté le 17 juillet 2015 sur le site de la Fnac

http://livre.fnac.com/a6460277/Didier-Roth-Bettoni-Sebastiane-ou-Saint-Jarman-cineaste-queer-et-martyr#specifications

Dans YAGG le 23 juin, sur le recueil de Kent Neal

La Boussole, le Labyrinthe et le Sablier, Kent Neal,

EroxOnyx Éditions , 83 p., 19 €.

La poésie est trop souvent vécue comme hermétique et inaccessible. Kent Neal, Lyonnais natif de l’Oregon, donne à lire des poèmes simples et sobres, où il décline l’amour des garçons sur fond d’informatique…

«Là / au coin de la rue / il y a un garçon / qui attend une paire de lèvres / de lèvres / prêtes / à explorer / les collines / les bois / et les péninsules/ de son corps / Es-tu prêt à devenir explorateur / ce soir?» ou ceci: «Alchimiste / aux yeux de bronze / transforme en or / mes week-ends de plomb»… Un peu alchimiste, Ken Neal !

EG

Gustave de Xavier Bezard dans le JOURNAL DU CENTRE

Professeur d’arts appliqués au lycée professionnel, Xavier Bezard est un passionné d’art, de l’histoire de l’art et amoureux de la langue française. Il vient de publier son premier ouvrage Gustave, « une biographie fantasmée », dit-il, du peintre Gustave Caillebotte (1848-1894), auteur des célèbres Raboteurs de parquet du Musée d’Orsay à Paris. Un tableau qui, à l’époque, a fait grand bruit (*).

Si Gustave Caillebotte est peu connu à l’époque, c’est parce que « la peinture impressionniste était considérée comme vulgaire et mal peinte », confie-t-il.
Une vie privée pleine d’ombres

Le roman Gustave n’est pas une biographie exhaustive, d’autant que sa vie privée est pleine d’ombres. C’est sur ce mystère que s’appuie l’auteur avec l’objectif, non de percer des secrets, mais plutôt de laisser-aller son imagination, d’après les émotions ressenties par sa peinture.

À l’inverse de Degas, fasciné par les danseuses d’opéra en tutu, Caillebotte a privilégié le masculin, le bourgeois, l’homme du peuple, l’ouvrier au travail. « Il peint les hommes de manière troublante. Sa peinture est chargée de sensualité masculine. » Le professeur a été attiré par ce personnage, car « c’est un être compliqué, riche mais humble, soucieux des autres. Provocateur mais discret, il ne s’est jamais affiché comme homosexuel. Aucun de ses tableaux ne figurait dans le legs qu’il a fait à l’État ».
C’est avant tout une histoire d’amour

« Ces raboteurs de parquet, ces hommes en train de ramer, de plonger ou sortant du bain, dégagent une troublante sensualité, comme si le peintre avait instillé du bout de son pinceau, le désir qu’il ressentait pour ses sujets. »

Gustave, c’est avant tout l’histoire d’amour d’un narrateur imaginé par l’auteur et de Gustave Caillebotte. En toile de fond, les grandes périodes de la vie de l’artiste. Son implication dans le mouvement impressionniste, sa désaffection de la peinture ses passions, sa rencontre avec Charlotte. À cette vie en perpétuel mouvement, Xavier Bezard a imaginé un amant comme point d’ancrage, duquel on est invité à partager les doutes, les souffrances et les exaltations.

L’ouvrage a demandé plus de quatre ans de travail. Il vient de sortir aux Éditions ErosOnyx, une maison du Cantal, dirigée par deux professeurs de français, « qui m’ont demandé un énorme effort sur la langue ».

(*) Ami d’Auguste Renoir, cet artiste, très généreux, a porté la mouvance impressionniste, il a aidé ses collègues et s’est constitué une impressionnante collection qu’il léguera à l’État. Après une querelle avec Degas, il se tourne vers le yachting et se met à construire des bateaux innovants sur lesquels il remporte de nombreux trophées.

Jean-Bernard Pardieu