Sur France Culture, dans l’émission LSD – La Série Documentaire, Didier Roth-Bettoni, auteur de Les Années sida à l’écran …

EMISSION : LSD-La Série Documentaire, tous les jours sur France Culture de 17 à 18h.

Série : « Quand la création raconte le sida » produite par Didier Roth-Bettoni, réalisée par Nathalie Battus
diffusée du 9 au 12 avril

Episodes :
1) Dire sa vie, dire sa mort

Plus qu’aucune autre maladie sans doute, le sida a produit un art de l’intime, un art autofictionnel où des créateurs de toutes disciplines ont utilisé leur vécu le plus personnel de la maladie pour faire œuvre, non seulement de témoignage mais aussi d’affirmation, de combat et de refus de la fatalité.

Hervé Guibert est certainement, avec son roman À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, l’un des précurseurs de ce que l’on nommera plus tard l’autofiction. Toute la littérature sida, et presque tout l’art de ces années sida qui courent de 1981 à 1996 (c’est-à-dire avant l’apparition des trithérapies), sont, de la même manière, marqués par cette même dimension infiniment personnelle, tragiquement intime. C’est en effet à la première personne que des auteurs confrontés à leur mort imminente se lancent dans des récits au réalisme cru où se mêlent douleurs, pathologies, traitements, affaiblisse-ment physique, solitude, solidarité communautaire, peur de la mort, colère envers le désintérêt poli-tique ou les lenteurs de la recherche… Produites par de jeunes artistes foudroyés et révoltés par l’injustice du sort qui leur est promis, ces œuvres sont à la fois des témoignages et, comme les films de Derek Jarman ou les pièces de Copi, des manifestes de résistance. Elles sont aussi porteuses, pour nombre d’entre elles — à l’image du Ruban noir de Vincent Borel — d’une énergie vitale folle, où la sexualité et l’étourdissement dans la fête, dans la musique techno, dans les drogues récréatives tiennent une place importante, comme autant d’exutoires face à la catastrophe ambiante…

Participants : Vincent Borel, romancier, auteur de Un ruban noir (1995) ; Bruno Geslin, metteur en scène de la pièce Chroma, d’après Derek Jarman ; Philippe Calvario, metteur en scène des pièces Une visite inopportune, de Copi, Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, et Roberto Zucco, de Bernard-Marie Koltès.
Archives de Hervé Guibert, Cyril Collard, Guillaume Dustan, Christophe Bourdin, Jean-Luc Lagarce.
Extraits d’œuvres de Derek Jarman (Blue), Copi (Une visite inopportune), Jean-Luc Lagarce (Jus-te la fin du monde), Hervé Guibert (La Pudeur ou l’impudeur), Christophe Bourdin (Le Fil), Cyril Collard (Les Nuits fauves), Sophie Calle (No sex last night), Bruno Geslin (Chroma), Vincent Borel (Un ruban noir).

2) Corps souffrants, corps combattants

Très vite après l’apparition du sida, la question de sa représentation se pose pour les artistes. Et avec elle, la question de l’incarnation : comment donner corps à la maladie ? Comment la donner à voir, à percevoir, à ressentir ? Comment montrer des corps meurtris, décharnés, épuisés sans céder à la victimisation ?

L’enjeu de la représentation frontale de ces corps, c’est celui de la visibilité du sida dans une société qui a tendance alors à détourner les yeux ou à se désintéresser d’une maladie considérée comme celle de minorités et de « groupes à risques”. Alors que les images portées par les médias sont alors celles, compassionnelles, de corps victimes, c’est aux artistes que va incomber la tâche d’incarner le sida sur d’autres modes, moins passifs, plus combatifs, engagés dans un corps-à-corps tant contre la maladie que contre les discriminations (politiques, sociales, économiques, etc.) qui y sont attachées. Le corps souffrant tel qu’ils le réinventent, leur propre corps souvent, s’impose ainsi, dans toutes les disciplines artistiques, comme un corps en lutte.

Participants : Elisabeth Lebovici, historienne de l’art et activiste de la lutte contre le sida, autrice de Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXè siècle (2017) ; Aurélie Van Den Daele, metteure en scène de la pièce Angels in America, de Tony Kushner ; Bruno Geslin, metteur en scène de la pièce Chroma, d’après Derek Jarman ; Olivier Normand, comédien et danseur.
Archives de Jean-Luc Lagarce, Guillaume Dustan, Nan Goldin, Raimund Hoghe.
Extraits d’œuvres de Hervé Guibert (La Pudeur ou l’impudeur), Guillaume Dustan (Dans ma chambre), Tony Kushner (Angels in America), Bruno Geslin (Chroma), Alain Buffard (Mauvais genres), Zoe Leonard (I want a dyke for president), Felix Gonzales Torres…

3) Traiter les traitements

L’arrivée des trithérapies en 1996 a changé la vie des séropositifs et des malades du sida en leur donnant un avenir qui leur semblait jusqu’alors interdit. Ces évolutions médicales ont aussi entraîné des modifications profondes des représentations du sida…

Présente dans nombre d’œuvres ayant trait au sida, la dimension médicale de la maladie a eu une influence considérable sur les manières de raconter le sida, obligeant les principales associations à se doter de médias propres pour en rendre compte, mais aussi la presse communautaire gay à mettre en place des outils rédactionnels spécifiques, multipliant témoignages à la première personne, in-formations médicales ou conseils pour « vivre avec ».
Ces évolutions médicales ont également eu des répercussions artistiques : l’arrivée des trithérapies en 1996 et leurs conséquences sur la vie des séropositifs et des malades, en est l’illustration la plus nette, tant la différence est marquée entre les œuvres d’avant et celles d’après, celles où la mort gagne (presque) toujours à la fin et celles où l’avenir est à nouveau possible.
Plus que tout autre peut-être, un duo de cinéastes, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, a eu à cœur dans quasiment chacune de ses fictions d’enregistrer l’histoire de ces évolutions et de leurs conséquences sur les modes de vie, des tragiques années sida (Nés en 68) à la prévention pré et post-exposition (Théo et Hugo dans le même bateau)… Leur cinéma en guise de fil rouge de cet épisode.

Participants : Olivier Ducastel et Jacques Martineau, réalisateurs de Jeanne et le garçon formidable (1998), Drôle de Félix (2000) et Théo et Hugo dans le même bateau (2016) ; Christophe Martet, journaliste et activiste de la lutte contre le sida, ancien président d’Act Up-Paris ; Vincent Boujon, réalisateur du documentaire Vivant ! (2015).

4) Hanter la forêt fantôme

La forêt fantôme des artistes et des militants disparus durant les années sida ne cesse de hanter les survivants de cette génération dont les œuvres travaillent ainsi sur le deuil à la fois individuel et collectif, et sur la mémoire toujours vive de cette histoire.

Le sida a fauché toute une génération. D’artistes bien sûr, qui n’ont pas eu le temps pour nombre d’entre eux de construire leur œuvre, de militants qui se sont battus jusqu’au bout de leurs forces, mais aussi d’amis, d’amants, de proches auxquels des écrivains, des réalisateurs, des créateurs de toute nature ont eu à cœur de rendre hommage. Un corpus artistique du deuil et de la mémoire de la maladie s’est ainsi peu à peu constitué, que ce soit dans la douleur immédiate de la disparition ou plus à distance, sur un mode historique visant non seulement à rendre justice à ce passé, à revisiter cette histoire mais aussi à réactiver la conscience que l’épidémie de sida n’est pas achevée et que l’engagement est toujours nécessaire.

Participants : Robin Campillo, réalisateur de 120 battements par minute (2017) ; Olivier De Vleeshouwer, romancier, auteur de La vie des morts est épuisante (1997) ; Jean-Michel Gognet, président de l’association Les Amis du Patchwork ; Stéphane Gérard, réalisateur du documentaire Rien n’oblige à répéter l’histoire (2016) ; Philippe Artières, historien, créateur de l’association Sida-mémoire; Elisabeth Lebovici, historienne de l’art et activiste de la lutte contre le sida, autrice de Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXè siècle (2017).
Extraits d’œuvres de Robin Campillo (120 battements par minute), Olivier De Vleeshouwer (La vie des morts est épuisante), Denis Lachaud (Ma forêt fantôme), Lionel Soukaz (Journal annales), Stéphane Gérard (Rien n’oblige à répéter l’histoire), Marlon Riggs (Tongues untied)