L’Association des Professeurs de Lettres a aimé GHASELS

Les éditions ErosOnyx, auxquelles collabore notre collègue Pierre-François Lacroix et dont nous avons recensé ici plusieurs ouvrages, consacrent leur dernière livraison au poète allemand August von Platen (1796-1835), dont une copieuse introduction raconte la vie brève et tourmentée.

Écartelé entre son attirance pour la beauté masculine et une exigence esthétique, intellectuelle et morale qui lui représente l’amour charnel comme trop vil et pour ainsi dire cadavérique, von Platen trouva dans la poésie le lieu où dépasser cette contradiction, sublimer son désir et réaliser l’amour éthéré auquel aspirait tout son être. La découverte, dans le texte, du poète persan Hafiz (1320-1389), maître reconnu du ghasel, lui en offrit le moyen. Ce genre poétique très codifié, qui connut une première vogue au VIème siècle, et l’œuvre d’Hafiz avaient déjà inspiré Goethe, mais sans qu’il eût transposé la forme elle-même ni d’ailleurs la substance amoureuse. Chez Hafiz en effet, le ghasel, poème à la fois galant et mystique, célèbre une figure idéalisée composée de tous les garçons aimés. C’est ce qu’il redevient avec Platen, qui, grâce à la rencontre littéraire du poète persan, a su, par delà une vie sentimentale forcément décevante parce que forcément terrestre, se réaliser indissociablement comme homme et comme artiste. Il était donc naturel qu’aux trois éditions de ses Ghasels fût associé Le Miroir d’Hafiz : Michèle Rey y joint en outre Les Dernières Poésies dans l’esprit d’Anacréon, qui, sans rompre l’harmonie de cette édition, manifestent l’érudition de von Platen et la variété de ses influences, comme une fraternité poétique et amoureuse à travers les siècles et les civilisations.

C’est au reste la première fois que les Ghasels sont éditées dans l’ordre chronologique, la première fois aussi qu’ils sont traduits en français et il en rendre grâce à Michèle Rey, qui a accompli là un travail remarquable et nécessaire. Son introduction, qui on l’a dit, analyse l’éducation sentimentale de von Platen toute tendue vers son accomplissement littéraire, s’achève, en toute logique, sur une étude du genre et des influences ; trois pages de notes éclaircissent les références contenues dans les poèmes ; une chronologie et une bibliographie closent enfin ce précieux volume.

Romain Vignest

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