Dans HETEROCLITE, mensuel gay mais pas que… – Lyon/St-Etienne/ Grenoble. Septembre 2011 Grenoble/


Les cimes de Monsieur Lange

Rémi Lange, cinéaste, présentera le 30 septembre à la Bibliothèque municipale de Lyon son premier long-métrage, Omelette, à l’invitation d’Écrans Mixtes.
Omelette est le récit d’un coming-out. Pour un jeune homme d’aujourd’hui, se dire homosexuel est-il plus facile que cela ne le fut pour vous en 1993 ?

Oui, les lois (en premier lieu le PACS) ont fait évoluer les mentalités, mais cela reste néanmoins difficile dans certains endroits, en banlieue, dans les petits villages… Le problème vient de ce que l’Éducation nationale et les parents ne sont pas assez engagés dans la lutte contre l’homophobie : on élève toujours les enfants selon les schémas hétérosexuels classiques.

– Le film est tourné en Super-8, avec les conséquences que cela entraîne pour la qualité de l’image. Quelles sont les raisons de ce choix artistique ?

J’aurais pu tourner en vidéo H8, il existait déjà des caméras assez légères, mais le Super-8 me renvoyait au premier cinéma que j’ai connu : les films de famille tournés par mon père dans les années 70. Je voulais transformer ce cinéma-là en fiction, en injectant du malheur dans le film de famille, en gardant la forme mais pas le fond. Cela correspondait également à un besoin de vivre aussi vite et aussi pleinement que possible, puisque la bobine du Super-8 ne dure que trois minutes et demi : il faut donc être concis, précis et aller à l’essentiel.

– Comment expliquez-vous que tant d’auteurs homosexuels (vous-même, Hervé Guibert, Guillaume Dustan, Violette Leduc…) aient choisi de s’exprimer par le biais de l’autofiction ?

Je ne pense pas que nous soyons si nombreux que cela, finalement… En outre, si Hervé Guibert est vraiment dans l’autofiction, Omelette est davantage du registre du journal filmé. Mais pour répondre à votre question, c’est peut-être lié à l’épidémie de sida des années 80-90. Face au danger de mort qui nous guettait, nous avons essayé de profiter au maximum de la vie et de la débarrasser pour cela de tous ses artifices. C’est pourquoi on en vient à vouloir dire « je », à laisser une trace avant de peut-être disparaître. En tournant Omelette, je me disais souvent : « avant de mourir, je n’aurai rien caché ». J’étais également beaucoup influencé par l’art corporel, qui montre l’intérieur du corps. Mon message, c’était : « me voici tel que je suis, prenez-moi avec mes défauts et mes qualités ».

– Ce moyen d’expression que sont l’autofiction ou le journal filmé vous intéresse-t-il encore ?

Oui, bien sûr. Je reviens justement du festival du film documentaire de Lussas où j’ai été très marqué par un magnifique film autobiographique, sur le mode du journal filmé, qui sera bientôt diffusé sur Arte : Le Ciel en Bataille, de Rachid B. L’histoire d’un mec au chevet de son père en train de mourir, qui évoque son homosexualité, sa conversion à l’islam…

– Mais concernant votre propre travail, avez-vous envie de revenir au journal filmé ?

Après le diptyque que formaient Omelette et Les Yeux brouillés, je me suis davantage tourné vers la fiction. Mais récemment, j’ai débuté un projet, dont j’ignore encore le nom, qui consiste à filmer dix-sept secondes par jour. Au bout d’un an, cela devrait faire un film d’une heure et demi. Je ne sais pas trop ce que ça va donner, si cela sera montrable, mais après tout, ça n’a pas d’importance : on peut aussi faire des journaux filmés pour les brûler ensuite !

– Quels sont vos autres projets cinématographiques ?

J’ai aujourd’hui un travail à temps plein, puisque je suis éditeur de DVD, donc j’ai moins de temps à consacrer au cinéma. Tous mes derniers films, sortis uniquement en DVD, ont été réalisés avec des bouts de ficelle ; c’était moi qui faisais tout. Aujourd’hui, j’aimerais trouver des financements, un producteur qui me suive, mais ce n’est pas facile. Ai-je encore l’énergie de me lancer dans cette recherche, de repartir à zéro ? Je ne sais pas. Le cinéma n’est plus forcément indispensable à ma vie. Je pense avoir dit ce que j’avais à dire et quand on n’a plus grand-chose à dire, il vaut mieux se taire ! Mais cette envie me reviendra peut-être un jour…

Projection d’Omelette le vendredi 30 septembre à la Bibliothèque municipale de Lyon, 30 boulevard Vivier Merle-Lyon 3 / 04.26.64.44.64 / www.festival-em.org Rencontre avec le cinéaste et signature de son livre Journal d’Omelette.

À voir et à lire : Journal d’Omelette (avec le DVD du film), de Rémi Lange, ÉrosOnyx Éditions (24, 50€)