IN MEMORIAM : JEAN-CLAUDE FÉRAY

Nous avons appris tout à fait par hasard, oui, accidentellement, le décès de Jean-Claude Féray, qui fut un ami pendant de nombreuses années, éditeur, auteur lui-même, chercheur, historien, grand connaisseur d’une histoire particulière, celle de l’amour que l’on dit grec. il avait créé une maison d’édition, appelée Quintes-Feuilles, très active pendant les deux premières décennies de ce siècle . Durant ces vingt ans, il a publié plus de 30 titres d’auteurs français (dont lui-même) ou étrangers. Il travaillait seul, mais savait aussi apporter sa contribution à d’autres maisons d’édition. Ainsi a-il écrit, pour ErosOnyx éditions en 2016, la longue présentation d’Imre (pour mémoire) d’Edward I. Prime-Stevenson sous le titre « Mélomane, lettré, polyglotte, racé : Prime-Stevenson, type du gentleman homosexuel de la Belle Époque ». Il a aussi apporté une contribution remarquable, en quatre articles, à la réédition récente (automne 2022) d’Akadémos chez Gay Kitsch Camp pour le volume de présentation de cette réédition, intitulé Akademos, mode d’emploi.

Homme de conviction, parfois difficile, Jean-Claude Féray manquera au monde de ceux qui vivent, recherchent, aiment vivre des amours différentes, aux curieux, aux amateurs (au sens propre de ce terme) et défenseurs de ces amours, que ce soit en littérature, anthropologie, arts visuels…

Jean-Claude Féray a aussi, pendant plus de huit ans, publié sur le site de Quintes-Feuilles de nombreux bulletins numériques copieux, illustrés, téléchargeables, tous en rapport avec le thème auquel il était si attaché, l’amour grec. Signalons justement l’ imposant ouvrage de Will H. L. Ogrinc, Boyhood and Adolescence, Ephebologia, Hebephilia and Paedophilia : A Selective Bibliography (2017).

Né en 1948 dans ce qui était alors l’Indochine française, Jean-Claude Féray est mort le 13 septembre 2022 en Normandie où il s’était retiré.

A NEW STAR IS BORN : Hors Champ, éditeur des marges

CRÉATION DES ÉDITIONS HORS CHAMP, SPÉCIALISTES DE LA MÉMOIRE DES MARGINALITÉS

Le concept à l’origine du projet

Parce que la différence fait parfois peur à l’industrie du livre, l’idée s’est imposée de créer une maison d’édition indépendante consacrée à l’underground, aux marges culturelles et aux homosexualités. 

Notre politique éditoriale

Mémoires inédits de témoins en prise avec une époque, monographies d’artistes menacés par l’oubli parce que réfractaires à la doxa, récits et biographies dédiés à des personnages seconds mais pas secondaires, Hors Champ souhaite mettre en lumière des vies singulières et des trajectoires parallèles afin de préserver la mémoire de mondes disparus ou en passe de le devenir. 

Les publications à venir

Monographie Pierre Sala (1948-1989) : artiste inclassable – il fut à la fois designer, architecte d’intérieur, scénographe, metteur en scène et directeur de théâtre –, Pierre Sala (1948-1989) a traversé la scène créatrice parisienne des années 1970/1980 comme une météorite. Son talent fut de développer avant l’heure une approche interdisciplinaire en jetant des ponts entre théâtre et arts plastiques. 

Mémoires de Claude Loir (né en 1944) : pionnier du cinéma X, aventurier de la libération sexuelle et témoin privilégié du Paris underground des années 1960 et 1970, Claude Loir se livre sans faux-semblants pour raconter une existence tout entière tournée vers la recherche de liberté. 

Les Éditions Hors Champ, qui sommes-nous ?

Damien Roger, co-fondateur et directeur des éditions Hors Champ, est haut- fonctionnaire au ministère de la Culture et ancien élève de l’ENA. Il collabore régulièrement à des revues comme Le Journal des Arts et Gonzaï. Il mène en parallèle une activité d’écriture (publication en février 2023 d’un roman aux éditions Privat). 

Jérôme Kagan, co-fondateur et directeur littéraire, s’est engagé dans la voie du journalisme après un cursus à La Sorbonne. Sa passion pour les avant-gardes artistiques de l’entre-deux-guerres l’a conduit à publier en 2019 un ouvrage sur les Années folles. Il est également l’auteur d’une biographie remarquée de Condé Nast. Chaque mois, pour les lecteurs de France-Amérique, il dresse le portrait d’excentriques et jolis monstres du siècle passé. 

Contact : contact@editions-hors-champ.fr

ANTINOÜS DE PESSOA LU PAR « LA CAUSE LITTÉRAIRE »

Nous sommes en 130 apr. J.-C. L’empereur romain Hadrien veille son amant et favori Antinoüs qui vient de se noyer dans le Nil à l’âge de vingt ans. C’est un fait historique, repris notamment par Marguerite Yourcenar dans ses célèbres Mémoires d’Hadrien, et par d’autres auteurs et poètes comme Oscar Wilde, Yukio Mishima, Rainer Maria Rilke, Federico García Lorca ou Mutsuo Takahashi. L’un des plus grands poètes portugais de l’époque moderne, Fernando Pessoa, a lui aussi repris cette figure dans un long poème écrit en anglais, intitulé « Antinoüs ».

Les éditions ErosOnyx nous en proposent aujourd’hui une version bilingue accompagnée d’une note et d’une postface (d’Anibal Frias), spécialiste de Pessoa, dans une présentation soignée comme elles en ont l’habitude. Il en existait jusqu’à présent trois traductions en français, assurées respectivement par Armand Guibert, Patrick Quillier et Georges Thinès. Celle que nous lisons ici, œuvre d’Yvan Quintin, s’en démarque par le choix d’une traduction en vers, passant de l’original anglais (le vers anglais le plus fréquent étant le pentamètre iambique de cinq pieds) aux douze pieds français de l’alexandrin. Sans aller cependant jusqu’à la recherche de la rime, il s’agit, pour le traducteur, de mieux rendre la dimension poétique du texte de Pessoa, écrit, difficulté supplémentaire, dans un anglais élisabéthain, en usant de l’équivalent métrique le plus courant en français.

Ces quelques précisions donnent déjà une idée de la nature du texte. Il est tout sauf naturaliste ou factuel. C’est au contraire à une succession de masques que nous avons affaire. Par la langue choisie, un anglais des XVIème et XVIIème siècles, par le temps historique considéré, qui est celui du deuxième siècle après Jésus-Christ, par le locuteur désigné qui n’est autre que l’empereur lui-même, cédant parfois la place à un commentateur extérieur (l’auteur ou plutôt l’équivalent du chœur antique), Fernando Pessoa, poète portugais du vingtième siècle, ne semble s’effacer par une distanciation assumée que pour mieux exprimer, plus librement sans doute, ce qu’il veut dire, à moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau masque tendu au lecteur, lui qui a tant joué de ses hétéronymes.

Nous sommes en 130 apr. J.-C. L’empereur romain Hadrien veille son amant et favori Antinoüs qui vient de se noyer dans le Nil à l’âge de vingt ans. C’est un fait historique, repris notamment par Marguerite Yourcenar dans ses célèbres Mémoires d’Hadrien, et par d’autres auteurs et poètes comme Oscar Wilde, Yukio Mishima, Rainer Maria Rilke, Federico García Lorca ou Mutsuo Takahashi. L’un des plus grands poètes portugais de l’époque moderne, Fernando Pessoa, a lui aussi repris cette figure dans un long poème écrit en anglais, intitulé « Antinoüs ».

[…]

Fernando Pessoa est l’auteur d’une œuvre phare, protéiforme, non encore formellement close, traversée de multiples significations dont la moindre n’est pas de surplomber la notion même d’auteur par le recours à des hétéronymes qui sont autant de moi superposés. Christian Bourgois Éditeur en a publié l’essentiel en 9 volumes à la fin des années 1980 avant l’édition de la Pléiade chez Gallimard au début des années 2000.

Luc-André Sagne

Ce livre a reçu un coup de cœur de la librairie Gallimard, début décembre 2022, avec le commentaire suivant : « Une poésie charnelle, sublime, brûlante ! »

PAULINE PARIS AU PAYS DE COLETTE

« J’étais ravie de passer cette soirée hors du temps (…) la semaine dernière. Je redescends petit à petit, au gré du vent, de mon nuage… » nous a écrit, ce 21 juillet, Pauline Paris qui a donné un récital à Saint-Sauveur-en Puisaye, en Bourgogne, au pays de Colette le 15 juillet dernier, dans le cadre du » Festival de Saint-Sauveur-en-Puisaye : un été chez Colette » qui se rient chaque année de fin juin à fin août . Organisé par l’Association des Amis de Colette, ce récital a eu lieu en plein air, sur le pâtis du château qui abrite le Musée Colette. En plein air et en soirée, avec le soleil couchant pour magnifique projecteur. Il dardait ses rayons à travers le feuillage d’un immense et vieux noyer sous lequel se tenait l’assistance. Et roucoulaient, entre deux chansons, les colombes du donjon envoyées par Aphrodite.

Rappelons que Pauline Paris a d’abord monté un spectacle musical et théâtral, « Vivien 21 », autour de Renée Vivien. Deux des photos ci-dessous ont été prises au Bouillon Julien, brasserie sise rue du Faubourg Saint-Denis à Paris Elle y est Comme sur ces photos, elle accompagnée de Duncan Roberts (à droite) et Rafaël Leroy (à gauche), entrecoupant ses chansons d’épisodes de son histoire personnelle, « pour finir par ne faire plus qu’une avec elle. » . Quant à la première photo, il s’agit de Renée Vivien elle-même qui aimait se travestir, dans le cas présent en « incroyable » dont notre Pauline reprend le couvre-chef, le jabot et la redingote en de récital.
Qu’a-t-elle chanté au fait ce soir du 15 juillet ? Les Treize poèmes de Renée Vivien qu’elle a, sur les conseils d’Hélène Hazera, mis en musique et publiés chez ErosOnyx éditions dans un livre-CD, via l’entremise de la viviénienne Nicole G. Albert qui, restée sous le charme d’un récital de Pauline Paris à la librairie Violette & Co, souhaitait que reste une trace de cet enchantement. Douze poèmes de René Vivien auquel il faut ajouter un fragment de Sappho, devenu « Prolonge la nuit » , que Vivien a elle-même traduit et adapté du grec ancien. Bien sûr, on pourra penser à la chanson de Johnny Halliday « Retiens la nuit » ( paroles de Charles Aznavour, musique de Georges Garvarentz), mais si cette chanson ne manque pas de charme et d’émotion, le poème de Sappho-Vivien, mis en musique et chanté par Pauline Paris, est… saphiquement différent. Notons aussi dans ce recueil, comme sur scène, le poème « The Fjord Undine », écrit et publié en anglais par Renée Vivien, dans un autre ouvrage, The One Black Swan /Le cygne noir (également disponible aux mêmes éditions). N’oublions pas que Vivien était anglaise de naissance et s’appelait Pauline Tarn (tiens ! Pauline comme notre artiste !). Ce n’est pas Pauline qui cette fois l’a chanté, mais il a été superbement dit, en anglais donc, par Duncan Roberts, l’un de ses deux musiciens (basse, guitares, percussions), avec Raphaël Leroy au yeux pers, guitariste et bassiste, tous les deux au mieux de leur talent.

Superbe soirée que Colette, auteure de belles pages sur Renée Vivien dans Le pur et l’impur, n’a pu qu’aimer, où qu’elle soit, comme les spectateurs étonnés d’abord, puis vite ravis, comme enchantés. Renée Vivien, pour garder ses amantes, disait à Aphrodite « Prolonge la nuit ». Pauline Paris, elle, l’a chanté à son public, comme pour le retenir.

Crédit Pauline Paris 2022

ANDER (2009), un film de Robert Caston

                                           

     RENDRE CRÉDIBLE L’INCRÉDIBLE, EN TOUTE HONNÊTETÉ

Pour qu’il y ait rupture avec la coutume dans un milieu où le patriarchat rural – relayé par le matriarchat à la mort du patriarche –, dans un cadre clos comme les montagnes du Pays basque espagnol où l’on parle d’abord l’euskera, il faut qu’arrive quelqu’un d’ailleurs. Dans Ander, premier long-métrage d’un jeune metteur en scène qui s’était déjà fait connaître en 2005 par un court-métrage produit par Arte, Maricón,  ce sont une jeune ʺétrangèreʺ de Carthagène et un jeune Péruvien  qui apportent un souffle neuf en Biscaye, en 1999, terre  ancestrale minée par des tabous qui la sclérosent.

Nombreux sont les êtres en souffrance au début de ce film qui sait sans lourdeur donner de l’épaisseur à ses personnages : à plus de trente ans, Ander subit sa condition de célibataire dans une ferme menée par la poigne altière de sa mère, veuve solitaire, elle aussi, qui aimerait qu’on estime son vieil ami de jeunesse, Evaristo, qu’elle impose avec crainte à Ander et sa sœur Arantxa, pour de rares repas où le malaise plane. Ander est obligé de doubler son travail à la ferme qui ne rapporte plus assez, d’un emploi à l’usine où on le sent encore plus seul que dans les champs où il savoure au moins le bon air et la beauté des montagnes, tout en gardant son troupeau de vaches laitières. Il rejoint régulièrement son copain Peio, fêtard qu’il dépeint comme « pensant davantage avec sa queue et son nez » qu’avec son cerveau : Peio passe ses nuits à boire, baiser et se faire des rails de cocaïne avec des films pornos pour toile de fond. On sent qu’Ander l’accompagne plus par clanisme de mâles que par vrai plaisir. Et voilà que, alors qu’Arantxa va se marier en ce mois d’août 1999, vivre sous un autre toit et laisser plus de travail à son frère et à sa mère, Ander, en rentrant le troupeau, se casse le tibia et va devoir rester plâtré deux mois, alors qu’on se prépare à tuer un cochon pour le repas de noces ! Tout est sens dessus dessous ! Heureusement, Iñaki, le mari d’Arantxa, présente à la famille José, jeune Péruvien exilé à Durango en Espagne, par la misère dans son pays et rompu au travail des champs et des bêtes, remarquable de réserve, de politesse et de délicatesse. Il travaille dur, ne plaint pas sa sueur sous les aisselles. Dans Ander, on est attentif à respecter la pudeur des campagnes : pas de torse nu, on garde la chemise même en plein mois d’août. Voilà un étranger, lui-même en souffrance, qui va pouvoir retrouver et redonner vie !

Le chemin vers un dénouement libérateur va être long, en trois actes, mais Roberto Castón, le réalisateur, sait rendre crédible l’incrédible, par sa connaissance du milieu qu’il décrit, en toute honnêteté parce que le cheminement de l’intrigue est naturel, toujours écrit et montré d’après nature. Ander n’est pas un tissu d’artifices pour ʺfaire du cinémaʺ, on croit en ses personnages.

Ander se découvre et se révèle grâce à José. Il aime ses dents blanches, s’amuse à lui dire qu’il les entretient « au bicarbonate », n’a pas de gêne à lui demander de l’aider pour pisser parce qu’il tient mal sur ses jambes en raison du plâtre et des béquilles, remarque que José reste spectateur lors des virées chez Peio,  que le Péruvien réservé préfère parler chaleureusement avec une belle femme de chair qui est « la puta d’Oro » de Peio, pute d’or et pute de la ville d’Oro. On note au passage que Peio a de l’entrain, de l’humour, mais un machisme invétéré également ! Quant à elle,  elle s’appelle Reme. Elle a le corps facile mais le cœur obsédé par un mari qu’elle a épousé à Carthagène et qui l’a quittée quand elle lui a annoncé qu’elle était enceinte de lui. Quelques années plus tard, elle pense que cet homme est « perdu » mais qu’il lui reviendra quand « il se retrouvera » et acceptera la paternité. En attendant, elle vit de ses charmes, mais ne se donne jamais à un homme dans la maison d’Oro, maison de son mari et qui sera restée « propre » quand il reviendra. Le bruit court qu’on voit son mari plus occupé à Anglet que préoccupé de revenir chez lui. Un sinistre coup de fil le confirmera à Reme qui vient s’inscrire dans la galerie de tous les solitaires du film, le seul couple harmonieux étant celui que vont former Arantxa et Iñaki, après un beau festin, avec longue table dressée en plein air, où le vin coule à flot.

Le vin a un rôle décisif dans Ander. Selon le personnage qui donne son titre au film, « ce n’est pas de l’alcool, c’est la vie », et il initie José à goûter cette vie-là. La noce fera de cette vie une ivresse libératrice d’une autre vie pour les deux hommes. Dans les toilettes, le désir longtemps retenu osera le plaisir partagé. Remarquons que la trivialité du lieu ne fait que souligner par quelle apparente humilité il faut parfois passer pour se révéler. Mais l’humilité devient immédiatement humiliation pour Ander qui s’est laissé ʺprendreʺ par José. S’ensuivent plusieurs « Va-t’en ! » qui préparent non seulement la honte de ce désir-là chez Ander, mais la nécessité de renvoyer et d’oublier le visiteur de la révélation. Pourtant, c’est Reme, celle qui a vécu et aimé, qui va dénouer le tabou : Ander veut revenir vers la femme mais se révèle impuissant et violent ! José avoue en toute confiance à Reme ce qui s’est passé entre Ander et lui. Le dialogue devient poignant. Reme dit que les hommes ont « toujours peur d’eux-mêmes ». José lui rétorque que ce n’est pas son cas et Reme peut alors lui confier que c’est pour ça qu’elle l’aime bien.

La mort brutale de la mère, qui était cardiaque, accélère le dénouement. Ander, désespéré dans un premier temps par la culpabilité de s’être donné à un autre homme, souffre terriblement du lien plus ou moins conscient qu’il fait entre ce geste plus fort que lui et la mort de la mère. Sa sœur lui remontre pourtant qu’il ne peut pas mener tout seul la ferme et qu’il doit garder José. Un hasard très plausible amène Peio à la ferme d’Ander : il ramène Reme à Oro car son enfant n’est pas bien. Peio, toujours entre deux vins, choque Ander par son incapacité de sentir le deuil qui règne dans cette maison. Peio s’échauffe et frappe Reme qui tentait de le raisonner. José lui assène alors un coup de poing que Peio, dans son ivresse, ne peut lui rendre. De plus en plus grossier, Peio se moque grassement de « cette maison avec deux pédés et une pute » et s’en va parce qu’il ne peut pas comprendre. Lentement la situation se décante : Evaristo vient demander à Ander s’il peut mettre tous les dimanches des fleurs sur la tombe de sa mère. Ander comprend que cet homme a aimé cette femme dès que le père d’Ander la lui a présentée comme sa promise. Une chape de silence est tombée depuis ce jour et seule la mort du père d’Ander a délié le cœur de sa mère, d’où les invitations, rares, faites à Evaristo de partager la table de celle qui restera la mère, dont on ne connaîtra pas le prénom et pour qui un affectueux compagnonnage de vieillesse était impensable. Ander, pas à pas, perçoit ce qui dort au creux des êtres et qu’ils n’osent pas vivre par peur du qu’en-dira-t-on. Quand il parle solitude avec Reme qui lui apprend que son mari l’a appelée pour lui dire qu’il partait définitivement refaire sa vie en France, Ander lui rappelle qu’elle est mère et Reme l’embrasse de la comprendre. Quelques mots d’elle encore pour évoquer comment Ander ne peut pas vivre seul et l’in crédible alors devient crédible. Le lendemain, au petit-déjeuner, Ander demande à José de rapporter du cacao pour l’enfant. Et les mots sortent, dans ce film où on ne se paye pas de mots :

Reme : – Tu veux dire que tu nous demandes de rester chez toi ? 

Arnde, se tournant vers José : – Non, chez nous.

Bravo au BERDINDU, bureau basque des cultures gaies et lesbiennes, d’avoir rendu ce film possible et bravo à Roberto Castón d’avoir conté cette histoire avec l’« honnêteté » qu’il évoque dans le chaleureux supplément du DVD du film !

Il peut pleuvoir la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000 sur la maison d’Ander, cadrée comme au premier plan du film. Le réveil ne ‘’bugge’’ pas malgré le changement de millénaire. Le quatuor n’a pas froid. Il y a de la lumière à la fenêtre. Là-haut, sur les montagnes de Biscaye aussi, l’amour était à réinventer.

                                                                       Pierre Lacroix, avril 2022

SEULE LA TERRE

                                                              

         Un film de Francis Lee (Grande-Bretagne), sorti en salles en 2017

                       et l’année suivante en DVD chez Pyramide Vidéo    

                                                             *

Il y a des films qu’on aime intensément dès leur première vision au cinéma et dont la beauté s’approfondit quand on les revoit lors de leur sortie en DVD.  Avec les 20 minutes d’interview du réalisateur Francis Lee, qui accompagne le film sur le DVD, l’éclairage rapide mais éloquent et sensible qu’il en donne enrichit incontestablement la singularité et la beauté farouche de Seule la terre, sorti en salle en 2017 et couronné par des prix aux festivals de Sundance et de Berlin.

Francis Lee est un homme mûr, sauvage et raffiné quand on le regarde et qu’on l’écoute. Né dans les moors du Yorkshire, il a les quittés jeune pour devenir acteur à Londres et se découvrir, se vivre, devenir celui qu’il était. Malgré son succès d’acteur, les moors lui ont toujours manqué et, après un court-métrage financé par ses propres moyens, il s’est lancé dans un long métrage, God’s own Country, pour retrouver son pays natal qu’il n’avait au fond jamais vraiment quitté. Pour un coup d’essai, le film est un coup de maître. Le beau générique de fin du film, sur une ballade déchirante de Patrick Wolf, The Days, est un florilège de bout de films édéniques qui reflètent la saison des moissons dans ce qui pourrait bien être les années 1960 : on a la sensation que ces images datent de l’enfance de Francis Lee, joyeux de conduire un tracteur, ravi de contempler des corps halés de faneurs… Un film de paradis perdu et retrouvé donc, même si l’on est frappé par l’âpreté de ces paysages grandioses délimités par des murs de pierres sombres et noyés de brume jusqu’à l’infini, échappant encore à la ville qui apparaît dans le lointain. On est bien au pays des sœurs Brontë et l’histoire que nous conte Francis Lee a tout de leur romantisme ! Est-ce le sens que l’on peut donner du titre, comme si seule la terre, et non les villes, pouvait être le pays du vrai, le pays du beau, le pays de Dieu ? Mais alors un dieu d’amour qui n’a rien à voir avec celui du Deutéronome, et qui protège l’amour, tous les amours !

Intrigue violente et de plus en plus sensible au fil du film. Johnny trime à mener la ferme de son père, frappé par un AVC qui l’a terriblement diminué. La mère ne supportant pas l’isolement est partie pour la ville. La grand-mère est toujours là, rude à la tâche taiseuse et observatrice, regardant la vie comme elle va, les yeux aussi clairs que l’amour qu’elle porte à son fils meurtri et toujours menacé. Johnny a l’air d’avoir vingt ans. Il a les oreilles décollées, un beau visage en triangle, des yeux de renard. Il a la beauté rêche du paysage où il vit. Il se partage entre le travail des montagnes et la ville quand il va vendre le bétail et tirer un coup en cachette avec un autre garçon qui aimerait, lui, aller boire un verre après. Mais Johnny n’est pas prêt. Il a du chemin à faire pour s’accepter. Il baise à la hussarde des mecs, il ne se sent pas pédé. Le soir, il se saoule à la bière au pub du coin, pour oublier les corvées de la journée. Les vieux comprennent qu’il faut passer une annonce pour trouver de l’aide à Johnny. Une seule réponse et c’est la bonne. Se présente un gaillard du même âge que Johnny, un Roumain brun, peau pâle et bille de verre sous les sourcils noirs. Il a quitté un pays sans avenir, où trop de mères pleurent leurs enfants morts. Sa mère enseignait l’anglais et ça s’entend. Il s’appelle Gheorghe et subit au début le racisme crasse de son jeune patron. À chaque attaque, il montre les dents. On le sent fier. Fier et délicat. Un geste de toilette en plein air comme se passer une étoffe humide entre les fesses pour que Johnny n’ait aucun dégoût d’aller avec la langue au bout des ses désirs, voilà qui révèle que les vrais amoureux, femmes ou hommes, savent que le corps est le tremplin d’Éros, de la délicatesse amoureuse d’Éros. Au fil du film, Gheorghe va devenir l’ange visiteur de Johnny. L’apparente sauvagerie laisse lentement place à la révélation, avec une psychologie bourrue et souvent muette qui est un des atouts majeurs du réalisateur profane qu’est Francis Lee.  Dans un paysage du « struggle for life,  » au propre comme au figuré, on va passer de l’hiver au printemps.

Il serait dommage de ne pas laisser de suspens sur le cheminement de cette révélation qui va se faire entre Johnny et Gheorghe : pouvoir se dire l’un à l’autre « faggot », « pédé », et découvrir que ce n’est qu’une maladie pour la morale étroite des autres. Seule la terre fait écho sur ce plan à trois beaux films dans le même cadre et sur le même thème : Nous étions un seul homme (1979) de Philippe Vallois, Ander (2009) de Roberto Castón et Le Secret de Brokeback Mountain (2012) d’Ang Lee, mais le dénouement le rapproche surtout d’Ander. Pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte du de la fin, évoquons deux scènes muettes – un d’extérieur et l’autre d’intérieur – qui, à elles seules, donnent une idée de la grâce farouche qui baigne Seule la terre.

La première se déroule en haut des moors, en plein hiver. Gheorghe veille avec Johnny à l’agnelage dans le brouillard. Le premier découvre un agneau mort dans la nuit. Aussitôt, au couteau, comme si l’acteur l’avait fait toute sa vie, il dépèce de sa laine le cadavre d’un agneau mort-né et en fait un manteau pour un autre, orphelin, qu’il a allaité au biberon jusque-là, pour tromper l’instinct de la mère de l’agnelet mort-né. Johnny observe la scène et sourit, comme s’il découvrait ce qu’est la tendresse humaine pour les bêtes et les êtres.

Dans une autre scène où les deux « lads » doivent se débrouiller pendant que la grand-mère veille le père à l’hôpital, on assiste à un repas improvisé par Gheorghe, à la fois mâle et maternel. La  table est mise. Johnny remarque sur un bouquet de jonquilles dont c’est la saison. Un court instant, on pense au rôle des fleurs  de printemps dans l’appel du désir chez D. H. Lawrence. Gheorghe a fait des pâtes à la tomate. Il voit Johnny bouder après avoir goûté. Gheorge goûte à son tour, comprend et met du sel dans l’assiette de son compagnon. Il goûte à nouveau et laisse Johnny se régaler avec un sourire de mère qui se dit que son fils attend décidément tout d’elle. Le sourire est ici ironique mais amoureux aussi. En quelques minutes, sans un mot échangé, tout est dit.

La barbe broussailleuse et les billes rieuses des yeux de Francis Lee sont vraiment à l’image de son film. Farouchement romantique. Comme Colette, il pourrait dire ou écrire : « J’appartiens à un pays que j’ai quitté ». Il n’a pas quitté le romantisme de ses moors et Seule la terre a des parfums de rêve réalisé. Jamais trop tard. L’amour du pays n’est pas que rétrograde. Il est aussi paradis perdu et retrouvé grâce à l’art, corps à cœur de l’amour cru et fou enfin possible.

                                                                                               Pierre Lacroix

PHAIDRA, FANNY ARDANT, LA FILLE DU VENT

 CHAMADE EN SATIN ROUGE

Spectacle pour instruments et voix du Geneva Camerata

donné en première mondiale au Bâtiment des Forces Motrices

 à Genève le jeudi 27 janvier 2022

David Greilsammer, dans le cadre de ses ʺconcerts prestigesʺ, a donné à voir et à écouter un triptyque musical et théâtral qui, quelques jours après le spectacle, laisse le percutant souvenir d’une chamade en satin rouge.

Un spectacle homogène dont les trois temps se répondent en un tout organique. Prologue, monologue vocal sur fond musical et épilogue se placent tous les trois sous le signe de la percussion, celle de la musique symphonique prenant, comme dans un écrin, un poème en prose de passion interdite écrit par Yannis Ritsos, Phaidra, Phèdre selon Ritsos, une Phaidra portée par la longue silhouette, l’âme et la voix de Fanny Ardant. On entre dans le spectacle par le solo de percussions qui ouvre la Symphonie n° 103 de Joseph Haydn, dite « roulement de timbales » et, durant tout le spectacle, cette chamade ne se posera brièvement que pour reprendre autrement et de plus belle, y compris dans le détonnant épilogue, improvisation confiée à Jonathan Keren. David Greilsammer parvient à nous prendre dans une fougue sans cesse renaissante et qui ne s’apaise que pour mieux nous transporter dans le double orgasme de l’amour et de la mort.

Après le prologue percutant d’un Haydn dont la frénésie dit, durant toute la symphonie,  l’énergie de vivre et de créer à plus de 50 ans, comme si le temps fouettait le sang au lieu de le glacer, David Greilsammer a confié à Bastien David, né en 1990, la délicate tâche de créer une toile de fond musicale à la pièce de Ritsos. Bastien David a donc écrit une « Phaidra », pour comédienne et orchestre, à la fois sobre et sourdement menaçante. Pari subtil de servir le monologue de Phaidra sans jamais étouffer la voix parfaitement articulée de Fanny Ardant et d’y fondre en même temps la moiteur animale du désir de Phèdre pour le jeune Hippolyte. On y entend, comme si l’on était dans les bois et près des étangs, mêlés à l’orchestre, des feulements de fauves et des chants de rainettes qui prolongent et colorent le poème dramatique de Ritsos où Phaidra se sent tour à tour, dans ses appels de bête en mal d’amour, fauves au début et rainettes à la fin. Quant à l’épilogue, que l’on pourrait attendre comme un requiem après le triomphe de la nuit apaisante sur l’incandescence de Phaidra, il n’en est rien : les Préludes et improvisations sur des thèmes de Haydn de Jonathan Keren, né en 1978, sont un medley étonnant où classique et jazz reprennent les motifs de percussion de la symphonie de Haydn comme pour défier la mort. On y frappe même de la main le bois de la contrebasse pour que s’emballe le rythme du cœur. Même le requiem piaffe de vie, mêle ses timbales et ses cors dans un spectacle où le funèbre en filigrane le dispute toujours à l’ardeur sans jamais l’emporter. Il n’est que de regarder David Greilsammer conduire l’orchestre pour sentir que tout bat la chamade dans ce spectacle, y compris sa baguette.

Voix et instruments au diapason. Fanny Ardant se glisse en Phaidra comme en un long gant d’élégance et de désir. Talons hauts, silhouette altière, crinière fauve, corsage de voile noir et jupe fourreau de satin rouge, à la croire plus jeune qu’Hippolyte, absent de la scène mais partout présent dans le noir et dessiné par les mots de Phaidra. « Je t’ai fait appeler » : Fanny Ardant dit son rôle en comédienne qui le sait sur le bout des ongles et peut le vivre face au public dans l’ombre. Nous vivons la dernière heure de Phaidra, mariée à Thésée et amoureuse éconduite du fils de son époux, embelli par son goût de la chasse mais ignorant des appels d’Aphrodite. Plus rien à perdre pour Phaidra. Tout à gagner dans une déclaration à nu et tout habillée en même temps de délires orgiaques pour que le fils de l’Amazone, le fier disciple d’Artémis rentré tout poussiéreux de sa journée de chasse, comprenne qu’elle l’aime à en mourir. Elle va de visions en visions pour exciter le bel indifférent : rêver d’être sa proie dans les buissons pour qu’il la tue et la prenne dans ses bras, vouloir de lui une plume pour un chapeau, une de ces plumes arrachées qui laissent « un trou rouge » dans la chair d’un oiseau, rêver d’être un cheval attaché à une corde par une patte, fougueux jusqu’à se mutiler pour être libre, rêver de faire éclater les masques, que le sang de vérité puisse sourdre, se délecter de l’odeur de sperme restée entre les draps de ce jeune homme étrangement solitaire, lui voler sa petite croix d’or et se délecter de le voir à quatre pattes la chercher sous les armoires, vouloir entrer au bain avec lui pour le laver tout entier de sa suave sueur, se sentir pareille aux rainettes de cette nuit de printemps coassant de désir à la lune… et puis en venir à l’extase de mourir dans cette « nuit incorruptible », face à l’intouchable que l’on vient d’éclabousser de toute sa chamade de mots. Rien d’étonnant à ce que, dans la composition fluide de Bastien David, se glissent des feulements de fauves et des coassements de rainettes quand Phaidra se sent vivante et mouvante comme ces bêtes qui vivent à son diapason.

Phaidra, fille du vent, fille du sang, femme libre de dire, comme un homme, sans peur, sans pudeur, à l’éphèbe au petit crucifix d’or qu’elle lui a volé pour le porter entre ses seins : « Ta sainteté avant le péché, je n’y crois pas ; je la déclare impuissance, je la déclare lâcheté ». Aimer jusqu’à défier Dieu pour libérer le bel Éros. Il faut être Phaidra et  Fanny Ardant pour oser ça !

                                                   Pierre Lacroix, co-éditeur d’ErosOnyx

POUR EN SAVOIR PLUS SUR BASTIEN DAVID, COMPOSITEUR DE LA MUSIQUE DE « PHAIDRA » POUR COMÉDIENNE ET ORCHESTRE :

PHAIDRA, basé sur le poème dramatique de Yannis Ritsos

Commande du Geneva Camerata – Création Mondiale

Traduit du grec par Anne Personnaz et publié aux éditions ErosOnyx

Grâce à son génie, à son courage et à son humanité, Yannis Ritsos est considéré comme l’un des plus grands poètes de la Grèce moderne, ainsi qu’un héros qui a transformé l’histoire de son pays. Né en 1909, il rejoint le parti communiste dès l’âge de vingt-cinq ans et se bat au sein de la Résistance contre l’occupation nazie en Grèce. Malgré les terribles difficultés qu’il traverse durant sa vie – comme son emprisonnement et sa torture par la dictature grecque – Yannis Ritsos reste engagé politiquement jusqu’à sa mort en 1990. C’est en 1978 qu’il achève Phaidra, un chant d’amour à la fois poétique, érotique et tragique, s’inspirant du personnage de Phèdre dans la mythologie grecque. Ce chef-d’œuvre de Ritsos rend hommage à la force et à la détermination d’une femme courageuse qui décide de suivre son inexorable passion, jusqu’au bout de la souffrance et du tourment.

Le compositeur Bastien David écrit au sujet de sa nouvelle pièce : Dans Phaidra de Yannis Ritsos, nous vivons la déclaration amoureuse de Phèdre pour Hippolyte, le fils de son mari Thésée et de l’Amazone Antiope. À travers ses mots dénués de pudeur, Phèdre exprime ardemment l’immense souffrance qu’elle traverse ainsi que le désir éternel qu’elle éprouve pour ce jeune homme qui la rejette. Tout au long du monologue, nous retrouvons l’omniprésence du sang, de l’eau, du sperme, de la sueur, et de tous les autres mots qui peuvent faire référence aux fluides corporels. J’ai composé la musique en m’inspirant de ces matières vivantes, liquides et mouvantes, qui composent la quasi-totalité de notre corps.

À travers la musique, j’ai souhaité sculpter un flux sonore en mutation perpétuelle, afin de transmettre à l’auditeur les sensations physiologiques de Phèdre, ici incarnée par la voix charnelle et poignante de Fanny Ardant. De plus, j’ai voulu mettre en valeur la métamorphose que traverse la protagoniste, provoquée par la passion irrépressible qu’elle ressent pour Hippolyte. L’inertie des sentiments se traduit musicalement par la lenteur et l’obsession. Dans ce moment de détresse, l’irréversible se met graduellement en place… La musique devient alors le sel de mer qui ronge progressivement la roche des calanques, jusqu’à la rendre aussi coupante que les lames d’un rasoir ; ou encore, l’écoulement d’une rivière souterraine, qui finit par creuser dans la pierre les sillons du futur.

                                                 LA FILLE DU VENT, PROGRAMME, page 19

SI MI LA RÉ…

   Hommage à Barbara

de Stéphane Loisy et Baptiste Vignol (Gründ, 2017)

Il faut les ouvrir, les savourer lentement, les garder longtemps en bouche pour les laisser agir, des livres comme celui-là. Avec l’apparence de la chronologie, ça vous a un feuilletage qui enlève toute sécheresse rectiligne. Ça pèse un lingot, comme les albums cadeaux des Noëls d’antan, ça crache du rose en couverture, du rose qui semble détoner pour une Barbara qu’on voit plutôt en rouge et noir, en mauve et noir, avec une photo naturelle et inédite de l’artiste en herbe, loin des portraits sophistiqués qu’on aime mais qu’on a déjà vus, ça vous colle au fil des pages un amour neuf, approfondi, de Barbara et ça le fait scrupuleusement, délicatement, passionnément.

                                             Scrupuleusement

Il a raison, Bernard Serf, neveu de la chanteuse, d’écrire en avant-propos : « C’est clair, intelligent, bien documenté, parfois irrévérencieux, jamais flagorneur, toujours avisé ». Il sait qu’un vrai portrait amoureux n’est jamais un portrait flatté, jamais un embaumement thuriféraire ! Faut que ça vive, un livre de souvenirs et d’hommages, que ça ne sente pas le rance du déjà lu !  Pas de copier-coller d’un article du Web qui se voudrait exhaustif et qui se révèle une accumulation indigeste semée d’oublis. Le livre se veut une nouvelle approche de Barbara. Stéphane Loisy, de son côté, prend le temps de signer çà et là des esquisses d’artistes qui ont beaucoup compté pour la chanteuse et que le Web néglige : « Notre époque est merveilleuse puisque Internet fait office de mémoire collective normée et imposée. Elle recense un grand nombre d’informations en tout genre sur tout et n’importe quoi. Elle omet souvent, par contre, de parler des êtres humains et d’établir une cohérence pour des personnages libres et géniaux ». C’est ainsi qu’il convoque dans ce livre la mémoire de camarades magnifiques et rarement mentionnés, dans la vie de Barbara, comme Remo Forlani, Jean-Jacques Debout, William Sheller, Étienne Roda-Gil et Jeanne Moreau. Il n’oublie pas non plus la carrière cinématographique de la chanteuse, avec deux films trop injustement effacés de sa carrière, Frantz tourné en 1971 par l’ami Jacques Brel et L’oiseau rare en 1973 par l’ami Jean-Claude Brialy. Quant à Gérard Depardieu, il a droit à un éclairage des plus subtils. Le livre ici chroniqué paraît vingt ans après la mort de Barbara. Or, cette année-là, en 2017, Depardieu, devenu ogre sulfureux, mis à l’écart par ses débordements de poids, de gueule et de positions politiques ahurissantes chez le libertaire qu’il fut, Depardieu dit, susurre, fredonne, chante Barbara, piano-voix, en studio et dans le rouge et le noir des Bouffes du Nord. Serait-il interdit d’y voir la complicité retrouvée de Lily Passion, trente ans après, comme une « virilité domptée », comme une bulle de purification ?

Pour Baptiste Vignol, la démarche est aussi scrupuleuse. Commentaires personnels, citations de la chanteuse et de toutes les plumes qui ont déjà esquissé son portrait avant 2017,  sont  inextricablement réunis, avec un parti pris de notes aériennes en bas de page, à peine visibles, comme si le livre ne trouvait sa singularité qu’en s’étant discrètement nourri de ces sources multiples. Un livre érudit donc mais novateur aussi, riche de photos et  d’éléments qu’un fan qui se croyait pourtant peu profane voit et lit ici pour la première fois. Pour le plaisir de la lecture, nous serons, dans cet article, moins méticuleux que les auteurs de citer toutes les sources. Le plaisir a besoin de se libérer de certaines chaînes. Que les auteurs nous le pardonnent !

Il sait, Baptiste Vignol, que les vrais amoureux aiment que leurs stars ne soient pas des déesses ou des dieux. Pas de portrait d’amour sans irrévérence, comme l’annonçait Bernard Serf. Pas d’amoureux, même aveugle, qui ne sache que l’autre a les qualités de ses défauts et les défauts de ses qualités. On apprend, par exemple, que travailler pour Barbara, après le succès enfin là avec le récital de Bobino en 1967, n’est pas une sinécure. Autoritaire, coléreuse, imprévisible, elle usait ses collaborateurs. Se mettre à son service, c’était renoncer à sa vie privée. Françoise Lo et Marie Chaix, ses secrétaires, n’ont pu tenir longtemps à ce régime dont l’envers est la quête de perfection dans chaque détail de ses spectacles : orchestrations, décors, éclairages, costumes, tout est une cérémonie où la chanteuse s’avance parée et mise en lumière comme un toréador ! Roland Romanelli, un de ses accordéonistes les plus célèbres, remercié alors qu’il donnait son avis sur la préparation de Lily Passion, la dit aussi généreuse que cruelle.

Autre paradoxe qui constitue Barbara, son rapport avec l’argent. Son enfance et sa jeunesse ont connu les privations et le pain sec de la  vie d’artiste. Avec le succès dans les années soixante, ce fut la soif insatiable du luxe et des élégances jusqu’à l’ivresse des parfums de Guerlain, le Marienbad aristo de la plaisance, la munificence des mendiantes devenus princesses, contraintes d’engager un agent-comptable pour payer leurs impôts et faire que l’or ne se fonde dans leur mains comme dans un creuset. Alors qu’elle cherche un metteur en scène pour le spectacle Madame en 1969, elle rencontre Roger Blin et ne donne pas suite parce qu’il portait ce jour-là des tennis. Or, la même Barbara vibre à toutes les détresses du monde. Elle écrit en 1986 une chanson Les enfants de novembre  pour Malik Oussekine, tombé à 22 ans sous les coups des forces de l’ordre du ministre Pasqua. Elle est capable d’imposer des billets au prix très abordable pour son spectacle de Pantin en 1981, d’aller gratuitement chanter pour des prisonniers et des malades du sida qui meurent seuls dans les hôpitaux. À la mort de François Mitterrand dont elle a soutenu la candidature en 1981 et 1988 et qui l’a décorée de la légion d’honneur en 1988, elle déplore que le socialisme au pouvoir en soit venu à vivre enfermé dans un autre monde et coupé de la réalité des gens : « Le pouvoir rend fou ». Sans être descendue dans la rue, Barbara s’est toujours vécue, dans son quotidien et dans  nombre de ses chansons, comme une femme de combat, et ce combat, de son vivant, s’est appelé de Gauche.

Parmi les paradoxes, il en est un, secret et tout aussi éloquent, scrupuleusement évoqué : l’amour du vagabondage de sa vie de saltimbanque et le besoin de trouver un nid pour s’y ressourcer et y mourir un jour. À 43 ans, la petite fille des Batignolles achète la maison de Précy-sur-Marne, à 37 kilomètres de Paris. Elle y aménage une grange qui devient « grange aux loups » avec salle de répétition, piano, scène et sono. La bourlingueuse de théâtre en théâtre veut aussi se poser pour trouver calme et volupté dans une maison de pierre et son jardin. Elle s’épuise en se donnant à son public sur scène et a besoin de cures de sommeil pour récupérer mais au bout d’une semaine cette retraite devient prison et il lui faut renouer avec la vie. Elle a avec Précy la même relation ambiguë : l’ermitage permet de se ressourcer mais c’est aussi le lieu où la guette la solitude, avec cette alternance de mal et de joie à vivre qui fait le clair-obscur lancinant et magnifique de Barbara. Paradoxe insoluble et fascinant : être une « amie Pierrot noire », selon la trouvaille d’Hélène Hazera et une voyageuse d’Éros.

                                                        Délicatement

   Comment évoquer les gouffres avec assez de délicatesse pour que les lecteurs et lectrices sentent que rien n’a été tabou dans ce livre à la fois biographie, radioscopie et déclaration d’amour ? Tout naturellement. Avec les faits nus. Monique Serf naît à Paris en 1930 dans une famille juive qui peine à joindre les deux bouts. Sa famille doit se déplacer pour mieux vivre, aller de Paris à Marseille et de Marseille à Roanne. La guerre sépare parents et enfant. Tante Jeanne de Poitiers tente de faire passer les enfants en zone libre mais le train est mitraillé par la Luftwaffe. De cela, Barbara un jour osera parler à un accordeur de piano dans la région de Châtillon-sur-Indre où  la scène s’est déroulée : « La petite fille qui était dans le wagon et qui n’a pas été tuée, c’est moi ». Quand les enfants pourront rejoindre leurs parents à Tarbes, de la nuit s’ajoute à la nuit et, délicatement, l’auteur laisse la plume à Barbara elle-même qui écrit dans son livre Il était un piano noir… paru un an après sa mort : « J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur… »

Quant au besoin du pardon, au père comme aux nazis, c’est dans les brumes de ses chansons qu’il se chuchotera et comprenne qui voudra : en lisant ce livre, on fait mieux le lien entre Nantes et Göttingen. Le vrai champ de bataille où l’on peut triompher chez Barbara, c’est la chanson. « Chanter, dit-elle, c’est mon remède et mon poison, ce besoin de s’exhiber, c’est mon mal et ma guérison. » Tout désir lui devient compréhensible, l’inceste dans Si la photo est bonne, ou le suicide qui devient un leitmotiv fréquentable et dont on peut sourire, comme dans À mourir pour mourir. Chanter fait sortir de la mort déjà vécue pendant l’enfance. Barbara aura toujours avec l’enfance cette double relation de tendresse et de mort. À 34 ans, elle déclare : « Je suis déjà morte depuis longtemps. J’ai perdu la vie autrefois ». Mais l’enfance, c’est aussi la grand-mère Varvara, née près d’Odessa et réfugiée à Paris, conteuse d’histoires de steppes et de loups, venant d’un monde de cirque, de danseurs en habit rouge, de joueurs de balalaïka… Comment alors ne pas s’appeler Barbara ?

Comment rester étranger à sa relation éternellement double avec les hommes, avec les amours et la fidélité ? Dès le début du livre, on entre dans le mystère inépuisable de Barbara, évoquant, dans son autobiographie, l’amour comme «… une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après… ». Baptiste Vignol laisse délicatement la plume à Hubert Ballay – le mieux placé puisqu’il semble avoir été  le premier véritable amant -, et à son livre Dis, quand reviendras-tu ? (2014), pour effleurer les sources possibles de la chanson J’ai tué l’amour : « Ébranlée, dès sa préadolescence, par l’intimité nocturne que lui a imposée son père, Barbara a du mal, dans les années 1950, à tomber véritablement amoureuse d’un homme. Elle a pourtant tout fait pour oublier le cauchemar, elle a obligé son corps à se plier aux rites de la sensualité, donné leur chance aux émois fugaces qui, de temps à autres, lui traversaient le cœur, mais les barrières qu’elle a dressées entre elle et les hommes sont trop hautes pour autoriser une complicité amoureuse profonde, durable ». Comme si l’amour fou avec un seul homme n’était possible qu’en rêve : « Je ne sais pas vivre à deux. J’ai vécu des passions, des folies. Il faut avoir beaucoup d’espace pour vivre une passion. Dans une chambre au sixième, à deux, t’étouffes ; il faut avoir les moyens d’un amour. », confie-t-elle à Hélène Hazera avant son Châtelet 93.  Et Barbara, dans son Piano noir… donne la source de cette incapacité à vivre d’amour et d’eau fraîche, après avoir évoqué la rupture avec Hubert Ballay : « Dorénavant, je suis seule (…) Rien ni, hélas !, personne, plus aucun homme, plus aucun amour. Bien sûr, des hommes et des amours. Mais c’est différent. (…) En acceptant de perdre H., je viens de prendre le voile, inexorablement, pour cette beauté : la vie d’une femme qui chante… ». Même dans Pierre, chanson de fidélité apparemment épanouie, si on l’écoute bien, « il y a deux femmes dans cette chanson », selon jacques Tournier dans son Barbara (1968). Profitons-en pour signaler un autre atout de ce Barbara Si mi la ré… : il propose un éclairage copieux sur chaque chanson de Barbara, au fil de leur apparition sur vinyle ou disque-laser !

Dès lors, se mettra en place un autre paradoxe chez Barbara, décidément femme à facettes : d’un côté il y a l’image qu’elle aime parfois donner, celle du Carpe diem et du Carpe noctem, croqueuse d’hommes, mante religieuse, égérie de l’amour libre. « Pas connaître le nom, le métier, être amants une seconde ! (…) C’est formidable. » D’où l’égérie qu’elle est pour les homos et leur goût des « tricks », du sexe avec des inconnus de passage. Dès 1987, elle chante cette chanson qu’elle aurait aimé ne jamais chanter, Sid’amour à mort, et devient amazone militante pour combattre le sida, empêcher le furet de la mort de passer en mettant à la disposition du public des corbeilles de préservatifs à la sortie de ses spectacles. D’un côté, il y a donc la femme qui répond en 1993 à Hélène Hazera lui demandant si l’amour, le sexe sont importants pour elle : « je ne peux m’imaginer chanter sans ». Et de l’autre, il y a la femme qui chante Seule en 1981 et Fatigue en 1996, un an avant sa mort. La Barbara de La solitude. Marie Chaix commente cette chanson de 1965 : « Elle avait besoin de vivre seule ? Elle n’a jamais pu vivre avec quelqu’un en permanence ». Une solitude de louve solitaire qui vous hypnotise quand elle est en scène, comme l’écrit puissamment Danièle Heymann en 1965 : «  Elle est longue et noire, elle est veuve d’on ne sait trop quoi (…) Elle est médium, elle est vampire, elle viole, narines ouvertes, le jardin secret des spectateurs ».

                                                            Passionnément

            Par delà le scrupule et la délicatesse, vibre tout au long de ce livre la passion de Stéphane Loisy et de Baptiste Vignol pour « la longue dame brune ». Barbara, comme Piaf, est entrée, au fil de sa vie, en scène comme en religion. Elle n’a jamais eu la plume et la partition faciles. Chez elle, paroles et musiques doivent naître en symbiose. Écrire ou interpréter des chansons viscérales comme celles de son répertoire se vit comme un chemin de lumière et de croix. Et la réputation de chanteuse rive gauche de ses débuts ne lui a jamais suffi. En 67, tournant de sa carrière, osons dire de sa vocation, elle s’ouvre enfin : « À Bobino, tout à coup, j’ai eu un public, un public populaire, c’est très important, et la jeunesse, ce qui est essentiel. J’ai  été étiquetée pendant des années comme une intellectuelle, ce qui est extrêmement grave parce que je suis une primaire ».

            La relation entre Barbara et son public est amoureusement réciproque. Elle en parle comme d’une étreinte violente sous le signe d’Éros : « Les gens qui ne veulent, qui ne veulent pas vous aimer, qu’il faut aller chercher dans leur cœur, autour desquels on s’enroule, c’est fantastique (…) Il y a deux moments comme ça où on est totalement… C’est une scène et avec un homme amoureux, je veux dire dans un lit. Ce sont deux moments pareils ». Sur la scène Barbara peut glisser de l’amour fugace pour un corps d’homme à ce qui va se passer de plus en plus entre elle et un public de plus en plus grand : « Je ne sais pas bien l’amour. Je sais seulement la passion ? Brûler. Il faut se brûler (…) Je crois qu’il faut se brûler, qu’il faut vivre jusqu’à la déchirure, passionnément (…) Je n’ai pas de passé, je n’ai pas d’avenir, j’ai l’instant présent ». Pas de fonctionnariat de la scène. Une vocation chaque fois nouvelle. S’en aller pour revenir ardemment au rendez-vous.  Aucune musique ne lui fait peur pour entretenir la transe. Les orchestrations rock de L’aigle noir ou de François Wertheim pour l’album La Louve ne sont pas pour lui faire peur, à condition de ne jamais tomber dans la servitude du tube qu’on attend sans vraie surprise.

            Et cet amour-passion, Barbara va le vivre jusqu’à la mort. Très tôt, dans sa carrière, comme Piaf et ses piqûres de morphine contre l’angoisse, il lui faut recourir à des piqûres de cortisone pour lutter contre la dysphonie. Très tôt, il faut pactiser avec les insomnies à coups de pilules et sourire de la différence entre une tentative de suicide et un véritable suicide. « La renifleuse des amours » est priée de repasser et le fil du micro la rattache toujours au monde.  François Reichenbach enregistre un spectacle et n’hésite pas à écrire : « Barbara, c’est toute la beauté et l’angoisse de notre époque, la définition même du stress ». Sa voix devient rauque et elle fait avec. Ce rauque devient de plus en plus fascinant d’album en album comme la voix de Marianne Faithful. Les rationalistes en sont éblouis, comme Michel Cressole en 1981 : « C’est la méthode du mal par le mal, une recette naturelle d’antipsychiatrie populaire que les usagers de Barbara se transmettent de génération en génération ». Baptiste Vignol, de page en page, en vient à un vrai lyrisme inspiré : « Enveloppée de châles, lunettes sur le nez, elle hurle son texte, dans une tension paroxystique pour déclarer sa flamme au public ». Barbara fait don au public de tout ce que la vie lui a appris : « Ce qu’ils ne savent pas, c’est que c’est moi qui suis spectatrice de ce public à mille bras, avec un cœur géant (…) Si je n’avais pas connu la tranche de jambon pout tout déjeuner, je ne pourrais pas entre en scène ». Gérard Daguerre, son pianiste, lors des dernières soirées du Châtelet en décembre 93, parle d’elle comme on parlait de Piaf juste avant sa mort : « J’avais le sentiment qu’elle se suicidait tous les soirs ». Dernier album trois ans après et puis, l’année suivante, en novembre qu’elle aimait, s’éteindre dans sa maison de Précy lorsque Il automne tout autour d’elle.

            Merci à ce beau millefeuille, inépuisable de textes et de photos superbes, de nous laisser, quand on le referme,  plus émus à chaque fois que monte

                                Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous

Pierre LACROIX, co-éditeur d’EO

EXPOSITION DEREK JARMAN À LA MANUFACTURE DES ŒILLETS À IVRY/SEINE (94)

Dead Souls Whisper met en regard les films Super 8 de Derek Jarman produits au milieu des années 1970 et sa pratique de la peinture et des assemblages à travers une cinquantaine d’œuvres réalisée depuis le moment où il est diagnostiqué séropositif en 1986 jusqu’à sa mort. Cette période coïncide avec celle où il fait naître son jardin légendaire autour de Prospect Cottage à Dungeness dans le Kent, dont la création a été pour lui une thérapie, une métaphore de sa bataille acharnée pour la vie, un jardin de la nature moderne à même de lutter contre les crises. Son jardin n’est pas un refuge mélancolique mais un lieu de création. Et s’il n’est pas représenté véritablement dans l’exposition, il est néanmoins omniprésent. Derek Jarman faisait partie, aux yeux de la société, d’une minorité homosexuelle. Cette exposition rappelle que si la société avance, c’est bien souvent aux minorités qu’elle le doit. Ce combat existe toujours et nous concerne.

Lorsque Jarman apprend sa séropositivité, il met toute son énergie à faire savoir l’impact du sida sur la communauté homosexuelle et sur sa propre vie à travers le contenu de son œuvre, son esthétique et son absolue nécessité de porter l’autobiographie au rang universel. Il est sur tous les fronts : sexuel, artistique, activiste. Jarman, quasiment aveugle lorsqu’il produit Blue, propose au spectateur, une expérience d’écoute et de retour à soi, basée sur la perception des mots qu’il a écrit dans son journal intime et qu’il fait dire à des voix amies accompagnées d’une bande son composée par le musicien Simon Fisher Turner. Le long métrage Blue (1993) est diffusé dans le Crédakino tout au long de l’exposition.

Cette exposition est accompagnée d’une diffusion des films The Tempest (du 24 au 30 novembre) et Jubilee (du 1er au 7 décembre) au cinéma d’Ivry — Le Luxy et d’une publication en coédition avec la collection Pleased to meet you.

Le film de Jarman Sebastiane a été édité comme supplément au livre de Didier Roth-Bettoni, Sebastiane ou Saint Jarman, cinéaste queer et martyr. L’ouvrage est toujours disponible en librairie et à la librairie du CREDAC.

Événements à venir :

  • Dimanche 28 novembre de 15h à 17h
    Dungeness’ seed bomb
    Workshop avec Benoît Piéron (artiste) ouvert à tous les publics
  • Mercredi 1er décembre et Jeudi 2 décembre
    À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, diffusion du film Blue à la Bourse de Commerce — Pinault Collection

Dimanche 12 décembre à 16h
The Last of England
16h
Visite de l’exposition Derek Jarman – Dead Souls Whisper (1986-1993) en compagnie de Yann Beauvais.
18h
Projection du film The Last of England au cinéma d’Ivry – le Luxy, suivi d’une discussion avec Yann Beauvais
Visite de l’exposition gratuite.